En plus de l'annonce du limogeage de 57 magistrats, le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, a promulgué, le 1er juin 2022, le décret-loi n° 2022-34 du 1er juin 2022, modifiant et complétant la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et référendums. Ce texte contient des amendements touchant plus d'une douzaine d'articles relatifs aux élections et aux référendums. Les principales modifications apportées par le nouveau texte portent bien évidemment sur l'organisation, le déroulement et la tenue du référendum. Ainsi, la participation à la campagne du référendum n'est plus un droit exclusif aux partis politiques. Néanmoins, l'exercice de ce droit reste tributaire d'une condition assez surprenante puisque c'est à l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) de décider de la chose. En effet, l'article 116 dans sa nouvelle version dispose : « Pour participer à la campagne du référendum, une déclaration à cet effet doit être déposée auprès de l'Instance dans les délais et selon les conditions et modalités fixées par l'Instance ». Le reste de l'article précise que l'Isie a le droit de fixer la liste des participants.
De plus, l'article 117 apporte quelques éclaircissements quant au calcul et à l'adoption du résultat du référendum. L'instance considérera que le "oui" l'aura remporté dans le cas où la réponse "oui" obtient la majorité des suffrages exprimés. Ceci signifie qu'au cas où un seul électeur participait au référendum et vote ''oui'', cette réponse l'aura emporté. La révision de la loi électorale n'a pas posé de seuil minimal. Tous les moyens sont bons pour faire passer le projet de Constitution du chef de l'Etat.
La loi électorale dans sa version oblige les administrations et les organismes publics centraux et régionaux, et cite explicitement à ce sujet la Banque centrale de Tunisie et le ministère chargé des Finances, à mettre à la disposition de l'Isie toutes leurs ressources matérielles et humaines, ainsi que les bases de données et les statistiques en rapport avec les opérations électorales et le référendum. Officiellement, ceci vise à aider l'instance dans l'exécution de sa mission. Ainsi, nous allons avoir droit aux mêmes agissements et spectacles folkloriques ayant eu lieu à l'occasion de la consultation électronique. Le chef de l'Etat cherche à mettre à disposition de l'Isie et dans le but de forcer le vote en faveur du projet de Constitution quitte à mobiliser les institutions de l'Etat et ralentir leur fonctionnement. Il suffit d'un simple mot d'ordre ou une instruction de la part de l'Isie pour extraire les fonctionnaires de leurs bureaux, des ministères et des administrations.
La promulgation de ce décret devrait être considérée comme un remodelage de la loi électorale et des règles du jeu et non-pas d'un amendement. Le chef de l'Etat continue à forcer son passage et à pousser vers la mise en place de son projet personnel tout en détruisant tout sur son passage. Après avoir disloqué et semé la pagaille au sein d'organisations nationales, désintégré des instances et des institutions indépendantes, Kaïs Saïed cherche à éviter l'échec probable du référendum en modifiant les règles du jeu et s'octroyant encore plus de prérogatives en élargissant le champ de manœuvre d'une instance chargée des élections déjà à sa botte.