Alors que la grève des magistrats entame sa deuxième journée, le secrétaire général du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), Yosri Soltani, a affirmé mardi 7 juin 2022 que les juges étaient prêts à sacrifier plus que leurs rémunérations pour défendre leurs droits.
M. Soltani réagissait à la déclaration du président de la République, Kaïs Saïed, qui, lundi lors d'une réunion avec la ministre de la Justice Leila Jaffel, a exigé de couper dans les salaires des magistrats grévistes.
Les magistrats observent, depuis lundi, une grève qui devrait se poursuivre cette semaine en réaction au décret présidentiel sur la révocation de 57 juges sans possibilité de recours publié la semaine dernière pour « assainir le secteur », comme aime tant le rappeler le chef de l'Etat.
Notant que cette grève pourrait être reconduite si les revendications des grévistes ne sont pas satisfaites – à savoir l'annulation du décret et le lancement d'un dialogue avec le chef de l'Etat – le secrétaire général du SMT a signalé, au micro de Myriam Belkadhi dans la Matinale de Shems FM, que par sa décision le président de la République avait sapé les droits fondamentaux des juges ; le recours à la justice comme tout autre citoyen, et le principe de la présomption d'innocence.
Kaïs Saïed a, rappelons-le, publié une liste nominative des magistrats révoqués leur reprochant « adultère », corruption, enrichissement illicite, et entrave aux enquêtes sans preuves avérées et sans procès. Il se serait appuyé uniquement sur des « rapports » de police.
Yosri Soltani a ajouté, dans ce sens, que le décret 35 avait anéanti toutes les garanties d'une justice indépendante soulignant que les magistrats ne nient guère les dépassements et violations commises par certains de leurs confrères.
Il a rappelé, par ailleurs, que la révocation des magistrats était une prérogative du Conseil supérieur de la magistrature et que même le décret 11 portant sur l'organisation de l'organe provisoire instauré par le président de la République après la dissolution du CSM attribuait la même prérogative au Conseil supérieur de la magistrature provisoire.
Il a signalé, dans ce même contexte, que l'inspection générale au sein du ministère de la Justice avait le droit d'ordonner des instructions en cas de suspicions et de prendre les mesures nécessaires. « Nous ne pouvons tolérer que notre secteur soit gangréné par la corruption mais nous ne pouvons non plus accepter que des juges soient sanctionnés et privés de leur droit de se défendre », a-t-il indiqué notant que les magistrats ont été poussés à la grève compte tenu des violations commises à leur encontre.