« Les déclarations du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l'étranger, Nabil Ammar concernant les récentes arrestations sont inopportunes », a affirmé, mardi 21 février 2023, l'ancien diplomate et analyste politique, Abdallah Laabidi. Au micro de Malek Khaldi dans l'émission La Matinale sur Shems FM, l'ancien diplomate a expliqué que « la politique est comme le théâtre, il y a ce qui se passe sur la scène, ce qui se passe dans les coulisses et il y a même des souffleurs ». Pour lui, « le ministre des Affaires étrangères est un professionnel mais il n'est pas tenu de faire des déclarations politiques. Il doit juste bâtir des ponts pour calmer le jeu », en estimant que ses déclarations en ce qui concerne les dernières arrestations ne sont pas opportunes. L'analyste politique pense que « ce travail devait se faire via les ambassadeurs accrédités auprès de l'Etat tunisien et de nos ambassadeurs accrédités auprès des autres pays ainsi que via les rencontres multilatérales ». Et de noter : « C'est un travail de réseau, dont l'objectif est d'atteindre des résultats ».
Rappelons que Nabil Ammar avait affirmé, le 14 février 2023 à la Tap, que « les déclarations de certaines autorités étrangères concernant les récentes arrestations sont hâtives, inexactes, à côté de la plaque et portent atteinte à l'indépendance de la justice tunisienne ». M. Ammar avait soutenu que les dernières arrestations étaient dues à de graves affaires liées à la sûreté nationale de l'Etat tunisien et n'ont rien à voir avec les activités politiques, militantes ou médiatiques. Et de souligner que tout militant dans ces domaines demeure un citoyen ordinaire jouissant de tous ses droits, et en même temps soumis à rendre des comptes juridiques sans discrimination.
S'agissant de la sommation de la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, Esther Lynch, de quitter le territoire tunisien dans les 24 heures, Abdallah Laabidi a estimé que cette décision « n'était pas justifiée et n'avait aucun intérêt diplomatique car avec les avancées technologiques tout à chacun peut exprimer son opinion à propos de ce qui se passe en Tunisie en toute liberté et de partout dans le monde ». Et de souligner que « les autorités tunisiennes n'auraient pas pu interdire à Mme Lynch de faire ces mêmes déclarations dans son pays ». D'ailleurs, il a précisé que la qualification de persona non grata est temporaire sans un appui judiciaire. Par contre, les autorités tunisiennes auraient pu se plaindre auprès des autorités de son pays pour n'avoir pas respecté certains engagements. « Il aurait mieux valu à la Tunisie de ne pas refouler cette personne car on pouvait parvenir à ce même résultat sans tout ce tapage médiatique. Les conseillers du président de la République n'auraient pas dû l'impliquer en affirmant qu'il s'agit d'une décision du chef de l'Etat. La décision aurait dû passer par une administration des ministères des Affaires étrangères ou de l'Intérieur. Les autres pays prennent des décisions plus graves mais donnent toujours l'impression que ces des décisions institutionnelles, relatives à une instance officielle et adossées à un article particulier de telle loi, pour indiquer que le responsable politique n'a aucune responsabilité personnelle mais le pouvoir provient des lois et des réglementations qui fixent ses prérogatives », a soutenu l'ancien diplomate. Pour lui, « les conseillers d'un chef d'Etat ou d'un ministre doivent jouer le rôle d'amortisseur, étant plus au courant des dossiers et des pratiques, ils doivent leur expliquer que certaines décisions sont à éviter ». Il considère, d'ailleurs, que la déclaration de la syndicaliste en elle-même n'est pas une atteinte à la souveraineté de l'Etat et du peuple. Et d'assurer que les pays démocratiques donnent un poids important à l'écoute de leur opposition par les pays amis.
Interrogé sur les rencontres faites entre des diplomates et des représentants de l'opposition, M. Laabidi a estimé que « si des rencontres récurrentes sont opérées entre des étrangers et des personnes détenant des dossiers sensibles ou chargées de renseignements militaire de sûreté nationale cela s'apparentrait plus à de l'espionnage ». En ce qui concerne l'opposition et ou les personnes ne détenant pas des secrets d'Etat ou n'étant pas le point de contact ou l'intermédiaire avec des personnes détenant des informations sensibles, il est normal que des relations d'amitié s'établissent. Selon lui, un diplomate ou un ambassadeur peut rencontrer qui il veut dès que c'est dans la transparence et si c'est une relation privée, la personne rencontrée ne doit pas détenir des secrets de l'Etat ou un criminel notoire.
S'agissant des accusations d'entente avec des parties étrangères, l'ancien diplomate a affirmé qu'il doit avoir des preuves pour prouver une demande du soutien des étrangers. Il a regretté, dans ce cadre, qu'à une certaine époque, la Tunisie a démantelé ses propres services de renseignement, privant le pays d'immunité contre de telles pratiques ou d'espionnage.