La question de la présence de ressortissants subsahariens en Tunisie fait rage depuis plusieurs semaines. Elle avait été évoquée, au début, par le désormais très connu, parti nationaliste. Les dirigeants de cette entité avaient adressé au chef de l'Etat, Kaïs Saïed, un courrier révélant un soi-disant complot visant à coloniser la Tunisie. Plusieurs personnes adhérant à cette pseudo-théorie ont accusé les migrants d'être en partie responsables de la hausse de la criminalité et de la dégradation de la situation économique. Il ne s'agissait pour eux que d'un prétexte leur permettant d'exprimer leur racisme et leur déficience mentale. On aurait pu croire que la chose s'arrêterait à ce niveau-là et que la Tunisie, démocratie naissante et pays s'étant doté en 2018 d'une loi organique contre la discrimination raciale, devait se focaliser sur d'autres questions afin de garantir une relance de l'économie et une sortie de la crise. Néanmoins, le président de la République, toujours aussi imprévisible, a choisi d'adopter la théorie de la colonisation de la Tunisie et a, même, émis un communiqué, à l'occasion d'un conseil ministériel du 21 février 2023, accusant les migrants de complot contre l'identité arabo-musulmane. Bien évidemment, un discours similaire ne peut conduire qu'à une seule chose : une hausse des propos racistes et xénophobes. Les internautes ont eu droit à un flot incessant d'images et de textes incitant à agir rapidement envers les ressortissants subsahariens par la force. Certains Tunisiens ne se sont pas arrêtés aux réseaux sociaux et aux discours haineux. Après les paroles, place aux actes ! Ils se sont résolus à expulser par la force des migrants de leurs domiciles. C'est ce qu'avait rapporté l'activiste Motez Bellakoud. Il a indiqué que des migrants ont été jetés à la rue par la force au niveau de Dar Fadhal, à La Soukra. Un immeuble avait fait l'objet d'un raid. Des citoyens armés par des masses et des armes blanches ont pris d'assaut le bâtiment. « On leur a confisqué une partie de leurs affaires et des meubles. Le reste a été incendié… Les Tunisiens ayant pris l'immeuble d'assaut ne sont pas les propriétaires. Il s'agit de voisins ayant décidé d'agir de leur propre initiative… La scène montrant les migrants, le matin, dans la rue en ce temps froid, terrifiés et effrayés, regardant les cendres de leurs biens incendiés, est très triste… Un habitant du quartier m'a raconté l'histoire. Ce groupe d'individus, selon lui, continuera l'opération de libération du pays et que les autres quartiers seront pris d'assaut durant le prochain week-end… Je ne peux que ressentir que de la honte et du déshonneur en racontant cette histoire », a-t-il écrit sur son profil Facebook à la date du 24 février 2023. La question des crimes racistes ne s'arrête pas à un seul quartier ou au niveau des habitants des migrants. Plusieurs autres récits rapportent des agressions physiques touchant des employés et des personnes dans la rue. Une serveuse aurait été tabassée, le matin du 24 janvier 2023, dans un café. Les agresseurs seraient des mineurs. Selon certaines sources, ils auraient dérobé le passeport de cette personne. D'autres témoignages évoquent des agressions verbales et des insultes lancées gratuitement dans la rue à des migrants afin de les provoquer.