Le transfert de Hattab Slama, détenu dans l'affaire dite de complot contre la sûreté de l'Etat, suscite une vague d'indignation dans les milieux politiques et de défense des droits de l'Homme. Le 30 mai dernier, ce revendeur de voitures a été transféré de la prison de Mornaguia à celle de Bulla Regia, dans le gouvernorat de Jendouba, à environ 170 kilomètres de Tunis. Un éloignement géographique que ses soutiens dénoncent comme une mesure punitive supplémentaire, infligeant un lourd fardeau à une famille déjà éprouvée. Condamné à quatre ans de prison, Hattab Slama est incarcéré depuis plus de deux ans. Son cas, selon ses avocats, illustre une dérive inquiétante de l'appareil judiciaire tunisien. Son seul « tort » ? Avoir garé sa voiture devant le domicile de Khayam Turki, une figure également impliquée dans le dossier du présumé complot. Aucun élément ne prouverait son implication dans un quelconque réseau. Pourtant, il a été arrêté, jugé en quelques secondes seulement, et condamné sans que sa culpabilité n'ait été établie, déplore sa défense.
L'ancien député et dirigeant du parti Attayar, Hichem Ajbouni, a vivement réagi à ce qu'il qualifie de « mascarade judiciaire ». Dans une publication diffusée sur les réseaux sociaux lundi 2 juin 2025, il dénonce un « Etat d'oppression, de persécution et de mascarades », et rappelle que Hattab Slama n'a « aucun lien avec la politique, l'activisme ou l'opposition ». Il souligne l'absurdité de son arrestation : « Ils n'ont pas photographié Hattab Slama en train d'entrer ou de sortir de chez Khayam Turki, mais seulement sa voiture garée à proximité. » Lors de son interrogatoire, le juge d'instruction lui aurait même demandé s'il connaissait Khayam Turki. Ce dernier aurait répondu avec une naïveté révélatrice : « Je n'ai pas d'amis turcs et je ne suis jamais allé en Turquie. » Une réponse qui illustre, selon Hichem Ajbouni, l'incongruité d'un dossier vide, bâti sur des interprétations douteuses. La défense de Hattab Slama, composée notamment de l'avocat Mohamed Abbou, parle d'un « scandale judiciaire » qui jette une ombre sur l'ensemble du procès du supposé complot. Pour Me Abbou, son client paie le prix d'un système qui refuse d'admettre ses erreurs, préférant maintenir un innocent en détention plutôt que de reconnaître une injustice flagrante.
Le cas de Hattab Slama s'inscrit dans une série de transferts jugés arbitraires, visant plusieurs figures politiques et avocats impliqués dans la même affaire. Ridha Belhaj a été transféré à Siliana, Ghazi Chaouachi à Ennadhour, Issam Chebbi à Borj Erroumi, Kamel Bedoui à Sers, et Kamel Letaïef à Borj El Amri. Une dispersion géographique que leurs avocats considèrent comme une stratégie d'isolement, destinée à compliquer les visites familiales et l'accès à la défense. Pour Hichem Ajbouni, ces mesures ne relèvent pas d'une politique pénitentiaire rationnelle, mais d'un système autoritaire « fondé sur l'arbitraire, le déni et la fuite en avant ». Il conclut en appelant à la libération de Hattab Slama et de tous les détenus qu'il considère comme victimes d'un régime « injuste, absurde et inhumain, qui sème la peur non pas par la justice, mais par l'oppression ».