La délégation de Ghannouch, dans le gouvernorat de Gabès, a de nouveau été secouée par un incident sanitaire dans la soirée du mardi 16 septembre 2025. Douze habitants, âgés de huit à 43 ans, ont été admis aux urgences du centre de soins de base, tous victimes de difficultés respiratoires. Le même soir, trois ouvriers du complexe de l'acide phosphorique ont été transportés à l'hôpital universitaire de Gabès par la Protection civile, tandis que d'autres ont rejoint les services de santé par leurs propres moyens. Cet épisode intervient une semaine seulement après un autre accident survenu le 9 septembre. Ce soir-là, une trentaine d'habitants de Ghannouch, Chatt Essalem et Bouchemma avaient été intoxiqués par des émissions de gaz toxiques. Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) avait confirmé l'incident et dénoncé la répétition de tels drames, imputant la responsabilité aux autorités publiques et aux industriels.
Face à la situation, le gouverneur de Gabès a convoqué une réunion d'urgence réunissant responsables industriels, experts de l'Agence nationale de protection de l'environnement et services régionaux. Objectif : dresser un état des lieux des manquements environnementaux et exiger des mesures rapides pour réduire la pollution atmosphérique. Les entreprises polluantes ont été appelées à présenter, dans un délai maximum de deux semaines, un plan d'action concret conforme aux normes environnementales. « Les programmes soumis seront suivis de près. Les entreprises doivent assumer pleinement leurs responsabilités et ne plus dépasser les seuils réglementaires », a prévenu le gouverneur. Le directeur général de l'Agence nationale de protection de l'environnement a assuré, de son côté, que l'institution fournirait l'appui technique nécessaire pour accompagner les industriels dans ce processus.
Pour le FTDES, ces incidents ne sont pas isolés. L'organisation rappelle qu'en octobre 2023, plusieurs élèves de Chatt Essalem avaient souffert de malaises à la suite d'une fuite de gaz. Deux ans plus tôt, en mars 2021, une explosion dans une usine d'asphalte avait coûté la vie à cinq ouvriers et blessé grièvement un sixième. Ces drames, estime le forum, témoignent de « la faiblesse des normes de sécurité et de la vétusté des infrastructures » dans la zone industrielle. L'association accuse le ministère de l'Environnement et celui de l'Industrie d'un « abandon systématique » de la région et appelle à l'application du décret du 29 juin 2017, prévoyant notamment l'arrêt du déversement de phosphogypse en mer et le démantèlement des unités polluantes du Groupe chimique tunisien (GCT). Le FTDES rejette également les nouveaux projets de production d'ammoniac et d'hydrogène vert envisagés à Gabès, jugés « imposés sans concertation » et susceptibles d'aggraver la crise écologique. Depuis plusieurs années, la région est au cœur d'un mouvement citoyen structuré autour de collectifs comme Stop Pollution ou Nous voulons vivre, qui qualifient la situation d'« écocide ». Les manifestations organisées ont souvent été réprimées et plusieurs militants écologistes poursuivis, accentuant le sentiment d'abandon dans une région déjà classée parmi les plus polluées du pays. Pour le forum, la répétition des vagues d'intoxication illustre une crise durable : « Le droit à un environnement sain est un droit constitutionnel. Sa négation à Gabès équivaut à un déni de justice », avertit l'organisation.