Si certains persistent à accuser Ennahdha de double discours et privilégient les rangs de l'opposition au gouvernement d' « intérêt national » - comme qualifié par Mustapha Ben Jaâfar - la position de ce dernier vis-à-vis du parti islamiste reste claire et nette : « nous partageons les mêmes libertés et objectifs que Ennahdha » et « nous restons confiants par rapport au respect des dirigeants d'Ennahdha de leurs engagements et principes ». Mustapha Ben Jaâfar va même jusqu'à déclarer que : « Notre alliance avec Ennahdha est temporaire, certes, mais elle pourrait se muer en une alliance stratégique ». Tout en s'accordant à reconnaître que « toutes les parties de la coalition doivent aujourd'hui prouver leur bonne foi, notamment Ennahdha, accusée par de nombreuses parties d'un double discours », il rassure cependant en affirmant : « Nous restons cependant confiants quant à son évolution, puisque nous avons eu l'occasion de constater par nous-mêmes les progrès et changements qu'elle a opérés ». M. Ben Jaâfar a ajouté que « Ennahdha saura convaincre les membres sceptiques d'Ettakatol » et que « les conflits au sein du parti ne peuvent conduire à une scission, vu que la confiance règne et que nos actions futures apaiseront les tensions». Lors d'une interview accordée au journaliste égyptien Ahmed Mansour sur la chaîne Al Jazeera, mercredi 14 décembre, Mustapha Ben Jaâfar déclare que l'expérience tunisienne se distingue par une relation de longue date entre laïcs, démocrates, modernistes et islamistes depuis les années 80. Une relation dont ont également fait partie les communistes. En effet, les démocrates « ont défendu les droits des islamistes persécutés à l'époque », ce qui a permis d'instaurer « un climat de confiance entre les deux parties ». La priorité est donc aujourd'hui, selon Mustapha Ben Jaâfar, à la lutte « contre les forces contre-révolutionnaires initiées par certaines parties souhaitant garder un certain climat d'instabilité afin de sauvegarder les mêmes intérêts dont ils jouissaient du temps de l'ancien régime ». C'est pour cette raison, que « nous refusons de créer une rupture entre les Tunisiens, et de créer une entente entre islamistes et modernistes, afin de veiller à la réalisation d'un objectif commun, à savoir, les revendications de la révolution ». Concernant les partis de l'opposition, M. Ben Jaâfar déclare que « ces derniers ont refusé l'alliance proposée par Ettakatol et ont préféré joindre les forces de l'opposition en se plaçant contre les parties majoritaires ». Au sujet du nouveau gouvernement, qui sera proposé par Hamadi Jebali aux membres de l'assemblée constituante, lundi 19 décembre, Mustapha Ben Jaâfar déclare : « Le nouveau gouvernement doit refléter l'alliance tripartite et Ennahdha, en tant que force majoritaire, doit montrer une volonté concrète de faire participer les autres parties », réfutant ainsi la pensée courante selon laquelle le prochain gouvernement sera majoritairement composé de membres d'Ennahdha mais « décoré » de quelques personnalités du CPR et Ettakatol. Lors de cette interview Mustapha Ben Jaâfar a également abordé le sujet des fonctionnaires, ex-membres du RCD, en déclarant que « les compétences des anciens cadres et fonctionnaires, n'ayant pas été impliqués dans des affaires frauduleuses avérées, ne doivent pas être perdues et peuvent intégrer les institutions d'aujourd'hui ». Autre déclaration digne d'intérêt lors de cette interview, Ahmed Mansour n'a pas hésité à taquiner Mustapha Ben Jaâfar sur le sujet des droits des femmes en Tunisie en lui déclarant « que les femmes tunisiennes avaient plus de droits que dans nombreux pays du monde et que les hommes tunisiens, dont les droits étaient bafoués par des femmes dominatrices, ne devraient-ils pas réclamer, à leur tour, plus de privilèges? ». Une déclaration, se voulant sans doute dans le cadre de la plaisanterie, mais qui ne manque pas de connotation misogyne, à laquelle Mustapha Ben Jaâfar n'a ni réagi, ni protesté. Il s'est contenté, plutôt, d'un rire complice....