L'ancien Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, continue à intriguer. Sa dernière tournée dans les pays du Golfe, via Paris, où il a rencontré de puissants décideurs, suscite moult interrogations. Quel tour cache-t-il dans son sac ? A quoi joue-t-il ? Que prépare-t-il ? Son voyage n'est en tout cas pas passé inaperçu puisque les journaux du Golfe, réputés proches des palais royaux, l'évoquent avec … de la courtoisie ! Ce qui a pour effet d'intriguer encore davantage. Béji Caïd Essebsi invité du Premier ministre du Qatar. Béji Caïd Essebsi invité du puissant homme d'affaires et prince saoudien Al Walid Ibn Talal qu'il rencontre, dans son hôtel parisien George V, avec l'ancien président du Conseil italien, Silvio Berlusconi. M. Caïd Essebsi n'a aucun rôle officiel dans le gouvernement et il continue, pourtant, à occuper les devants de la scène. Ou, du moins, il s'y essaie. Les deux informations font, en tout cas, parler de lui. Détesté par la troïka, notamment par certains membres du gouvernement, honni par certains RCDistes, qui ne lui pardonnent pas la chasse aux sorcières et arrestations arbitraires menées contre eux, rejeté par un pan de la population, Béji Caïd Essebsi trace tranquillement son chemin sans que l'on sache en quoi consiste ce chemin et où mène-t-il. Son dernier voyage à Paris et au Qatar, à bord d'un jet privé, fait en tout cas partie de son plan. Lequel? On n'en sait rien! L'information de sa rencontre avec Al Walid Ibn Talel et Silvio Berlusconi, en compagnie de Tarak Ben Ammar, a cependant fuité sur les réseaux sociaux. L'animateur de Hannibal TV, Samir El Wafi, a déclaré lors de son émission, être à l'origine de cette fuite. Reste maintenant à savoir comment l'animateur a pu obtenir cette photo volée. Est-ce le camp de Béji Caïd Essebsi qui lui a livré cette photo pour que l'on parle de lui et montrer qu'il demeure encore influent sur la scène? Ou bien est-ce le «camp adverse» qui a cherché à montrer que le «vieux» prépare quelque chose de «malsain» visant à fragiliser le gouvernement? La fuite n'est en tout cas pas gratuite, d'autant plus que le cliché a tout l'air d'être une photo volée. La rencontre n'est cependant pas restée longtemps secrète, le journal Al Riyadh, quotidien saoudien très proche du palais royal, lui a consacré tout un article dans son édition du mercredi 9 mai. On y lit que Béji Caïd Essebsi a eu une réunion (plus qu'une rencontre donc) en présence de Tarak Ben Ammar, fondateur de Quinta Communications, Hiba Fatani, directrice exécutive chargée des relations publiques et de l'Information chez l'Emir et Nehla Anbar, assistante exécutive auprès de l'Emir. Silvio Berlusconi s'est joint, plus tard, au groupe qui compte également la princesse Amira Tawil, épouse d'Al Walid Ibn Talel. Quant à l'objet de la réunion, le journal a usé de langue de bois, conformément à sa ligne éditoriale «classique». «Béji Caïd Essebsi a remercié l'Emir de lui avoir donné l'occasion de le recevoir et les deux ont eu des échanges amicaux et évoqué un nombre de questions d'intérêt commun entre les deux pays sur les plans économiques et d'investissement», lit-on notamment. Quant à l'information de la visite au Qatar, elle a également fuité sur les réseaux sociaux tunisiens avec le lot considérable classique d'intox. Le quotidien Le Maghreb, dont le fondateur Omar S'habou est proche de Béji Caïd Essebsi, l'évoque brièvement sur une colonne jeudi 10 mai 2012, avec une photo de trois colonnes représentant l'ancien Premier ministre tunisien aux côtés du Cheïkh Hamad Ibn Jassem Al Thani, chef du gouvernement du Qatar. On y lit que le chef du gouvernement qatari a loué la gouvernance de M. Caïd Essebsi durant la première période de transition en Tunisie. Quant à l'ancien Premier ministre, il a invité son interlocuteur à poursuivre son soutien à l'Etat et au peuple tunisiens insistant sur l'importance du succès du processus démocratique en Tunisie et son effet sur tout l'espace arabo-islamique. Le journal croit utile de préciser que M. Caïd Essebsi n'a pas demandé un autre soutien (comprenez qu'il n'a pas fait de mendicité) et qu'il s'est juste limité à inviter les hommes d'affaires qataris à investir en Tunisie. Ce que le Maghreb ne dit pas, c'est que M. Caïd Essebsi était accompagné par Nabil Karoui, patron de Nessma TV, et Tarak Ben Ammar. C'est ce que nous découvrons dans le compte-rendu d'une vingtaine de secondes de la Télévision officielle du Qatar, dans le téléjournal du 8 mai. Quant à l'agence de presse officielle du Qatar, elle s'est limitée à moins de deux lignes pour dire que Cheïkh Hamad Ibn Jassem Al Thani a reçu mardi matin Béji Caïd Essebsi à l'occasion de sa visite au pays. Selon une source bien informée, la rencontre ne s'est pas limitée aux amabilités et Béji Caïd Essebsi en a profité pour présenter son initiative politique et insister sur la nécessité de réussir le processus démocratique en Tunisie. Sauf qu'il faut s'interroger, dans ce cas-là, sur les raisons pour lesquelles il était accompagné par Nabil Karoui et Tarak Ben Ammar. Toujours est-il que notre interlocuteur fait le lien entre cette visite de l'ancien Premier ministre et la proposition de Mustapha Ben Jaâfar, mercredi 9 mai, dans laquelle il propose de fixer les dates des fins de travaux pour la Constitution et celle des élections. M. Ben Jaâfar a ainsi coupé court aux dates contradictoires et élastiques du gouvernement, rassurant ainsi les observateurs sur le respect de la période de transition démocratique. Béji Caïd Essebsi a maintes fois répété que nul ne pourra l'empêcher de servir son pays. Vu qu'il n'occupe aucun poste officiel au sein de l'Etat, nul n'a le droit de lui demander des comptes et d'exiger une quelconque transparence de sa part. Sauf que voilà, il rencontre des officiels d'autres pays en sa qualité d'ancien Premier ministre et il se doit, au moins moralement, d'informer ses compatriotes sur la nature de ces visites et pourquoi était-il accompagné, dans sa visite au chef du gouvernement du Qatar, par un puissant homme d'affaires et un patron de télé. Crédit Photo: www.alriyadh.com Raouf Ben Hédi