A un mois du terme de la période de grâce de six mois qu'il a sollicitée dans son discours d'investiture du 13 décembre 2011, Dr Moncef Marzouki, président provisoire de la République tunisienne de son état, se fait «dégager» par son personnel. La cerise est, de loin, plus grande que le gâteau! C'est dire qu'il lui reste encore, juste un tout petit mois pour réussir son pari, à savoir l'amélioration de la situation économique. Une condition qu'il s'est imposée, lui-même, et sans laquelle il va démissionner. Or, au point où en sont les choses, les plus optimistes voient mal comment cette situation pourrait devenir positive en si peu de temps! D'ici un mois, le 13 juin, plus exactement, on verra comment M. Marzouki va faire évaluer la conjoncture ou s'il va tenir sa promesse de démissionner en cas de persistance des conditions socio-économiques… Un mois, c'est trente jours! Ce qui n'a pas été fait en 150 jours ; notamment avec l'euphorie de l'après révolution et les signes apparents de faire évoluer la situation ; reste difficilement réalisable d'ici la fin de l'ultimatum! Et les derniers chiffres ne sont pas pour rassurer M. Marzouki : explosion du chômage, notamment chez les jeunes et les diplômés ; le coût du couffin de la ménagère est insupportable, notamment avec une inflation qui explose pour atteindre, durant avril, un taux « quasi-inédit » de 5,7%. Pour rappel, au cours des quatre mois de 2012, ce taux plafonne à 5,5%. Aussi, les résultats préliminaires enregistrés au cours du premier trimestre et au début du mois d'avril ont affiché, récemment, des signes de ralentissement de l'activité économique, la décélération du rythme de croissance des exportations au cours du premier trimestre de l'année en cours. En liaison avec la baisse de la demande extérieure, cette tendance, négative, risque de persister vu la situation économique dans les marchés classiques de nos exportations. En effet, début avril, on a enregistré la contraction du niveau des exportations du secteur des industries mécaniques et électriques (-11,9%) ainsi que des industries du textile, habillement, cuirs et chaussures (-29,6%). Ces secteurs, habituellement, pourvoyeurs de devises. Sur ce point précis, le niveau des réserves en devises fond comme neige au soleil. Début mai, ces réserves sont sous le seuil psychologique des 100 jours et s'approchent assez rapidement de la ligne rouge des 90 jours. Pour les initiés en économie, M. Marzouki n'en est pas un, la balance générale des paiements a dégagé un déficit de 377 MDT, au cours du premier trimestre de 2012, soit une baisse d'environ 57% en comparaison avec la même période de l'année 2011, selon la BCT. Cette contraction du déficit est imputable à l'amélioration de l'excédent de la balance des opérations en capital et financières, suite à l'augmentation des investissements directs étrangers de 28,3% (-9,7% en comparaison avec le premier trimestre 2010), ainsi que du solde des prêts-emprunts de 42%. Aussi, le déficit des paiements courants s'est sensiblement creusé pour atteindre 1.624 MDT, soit 2,3% du PIB contre 1,5% une année auparavant et ce, en relation avec l'élargissement du déficit commercial de 1.066 MDT. Inutile de noircir encore plus un tableau déjà sombre, mais il ne faudrait pas omettre de signaler une amélioration graduelle des indicateurs de l'activité du secteur touristique et des importations de biens d'équipements. Ce qui constitue, en soi, des prémices positives, pour la période à venir, mais qui ne donneront pas leurs fruits dans un laps de temps aussi court. Néanmoins, les faits sont là : Une promesse a été faite : « Je demande une trêve de 6 mois. Pas de grèves ni de sit-in. Si la situation économique du pays ne s'améliore pas, je démissionnerai ». Et un constat d'échec cinglant s'impose : la situation économique ne s'est pas améliorée. Pis encore : le désastreux -1, 83% de croissance vient d'être revu à la baisse pour se situer, finalement, à 2.2%. Cette baisse est en rapport avec l'accentuation de la baisse de l'activité, notamment dans les secteurs des industries manufacturières (-3,9%) et des services (-4,7%). Mais quelle mouche a piqué Dr Marzouki pour s'engager sur un tel chantier. Avec son champ réduit d'intervention, l'économie n'est pas de son ressort, mais celui du gouvernement. Comment redresser l'économie en six mois alors qu'un des conseillers de M. Marzouki se prend pour un Calife (pas le sixième du genre) pour demander à une femme de ménage de lui masser le dos! Alors qu'un autre, proche du dossier, passe son temps à répondre à ses «fans» sur facebook et à commenter des articles économiques! Et puis, l'occupant de Carthage a-t-il déjà oublié ses promesses, ses défis et son pari? M. Marzouki serait-il prêt à renoncer à ses engagements et à accepter toutes les concessions, juste parce qu'il est assoiffé de pouvoir? La période de grâce arrive, presque, à terme, que M. Marzouki daigne aller vers le peuple qui l'a soutenu dans les années de braise et même après la Révolution et qui a cru en lui. Il n'en sortira que grandi … mais ça dépendra de la manière aussi.