La Tunisie regorge de success stories. D'histoires de jeunes (et de moins jeunes) entrepreneurs, créateurs, artistes, chefs d'entreprises…qui ont réussi. Fruits de l'école publique tunisienne, de grandes écoles internationales prestigieuses ou autodidactes qui n'ont jamais rejoint les bancs de l'université, ils se sont faits un nom dans leur domaine d'activité. Ils sont reconnus, respectés et même adulés dans une société qui ne prête pas grande importance aux talents et n'honore pas la réussite. Ces réussites, loin d'être aussi rares qu'on le pense, sont pourtant noyées dans un océan de médiocrité. On s'évertue, toujours, à trouver la manière la plus ingénue de poser des entraves aux gens qui veulent réussir et à minimiser les succès de ceux qui y sont parvenus. De la concurrence déloyale contre les petites startups, aux interminables chaînes administratives auxquelles font face les jeunes entrepreneurs. Ajouter à cela l'omerta qui règne sur certains succès, pourtant fulgurants. On en parle pas, ou peu, minimisant des réalisations qui pourraient, pourtant, booster des générations entières.
Ces gens-là ne sont pas l'élite inspirante qui guide des générations et les pousse à atteindre le meilleur d'eux-mêmes, ce sont au contraire des réussites dont on parle peu et qu'on n'applaudit pas. Ils ne sont pas accueillis en grande pompe à leur arrivée à l'aéroport, font rarement les couvertures des magazines et ne sont pas invités sur les plateaux TV. Ils cèdent cette place, si durement acquise, aux autres « élites », populaires et médiatisées. A des hommes politiques qui se chamaillent, par posts Facebook ou micro interposés, pour savoir qui retient le chien de qui, et qui prononcera l'insulte la plus virulente. A des députés qui font leur cirque face caméra et continuent leurs siestes une fois les projecteurs éteints, à des « artistes » populaires qui nous font davantage basculer dans la médiocrité et le mauvais goût et qu'on invite à tout bout de champ pour égayer les tristes soirées télévisées.
Braver la médiocrité ambiante est déjà un exploit en soi. Un exploit qu'on devrait honorer rien que pour le mérite d'avoir réussi, alors que tout pousse à l'échec, à la procrastination et à la paresse. On ne reconnait plus ses élites. Les militants politiques d'hier ont cédé la place aux arrivistes de la 25ème heure, ceux qui donnent à la politique un goût amer et qui plongent l'ensemble de la classe politico- médiatique dans un océan de futilités, à des années-lumière de l'essentiel.
Les métiers, autrefois prestigieux, sont aujourd'hui synonymes de fraude fiscale, d'abus des lois, de pots de vin et de dépassements en tous genres. On met les médecins en prison au lieu de créer des lois qui les protègent et protègent leurs patients, on rend l'évasion fiscale tellement facile et attirante qu'il devient presqu'impossible de ne pas succomber et on donne la parole à des gens qui influencent l'opinion publique alors qu'ils sont indignes même de s'exprimer dans de petits comités restreints.
Au lieu de prendre exemple sur des pays qui ont réussi, on pousse les nôtres à les rejoindre et à faire profiter les autres de leurs succès. Des réussites, souvent éphémères, dont on ne tire aucune satisfaction et qui, au lieu de servir un pays qui en a désespérément besoin, l'appauvrissent davantage au profit d'autres qui, eux, savent honorer les succès.
P.S : Business News a créé une nouvelle rubrique hebdomadaire intitulée « Success Story » pour honorer les grands et petits succès de la Tunisie, chaque dimanche. Ceux qui, malgré les entraves, brillent et font briller le pays.