Si l'on devait reconnaitre une grande qualité aux dirigeants de Nidaa Tounes, ce serait leur capacité à faire d'impressionnantes pirouettes intellectuelles. La dernière en date est celle de Raouf Khammassi qui déclare au journal Assabah que Hafedh Caïd Essebsi n'avait en fait jamais pensé aux élections partielles en Allemagne ! Sofiène Toubel, président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, expliquait hier sur Express FM que plusieurs membres de Nidaa Tounes avaient demandé à Hafedh Caïd Essebsi de se porter candidat aux élections et qu'ils avaient pleine et entière confiance en sa capacité à représenter et défendre les intérêts des Tunisiens résidant en Allemagne. Toutefois, Faisant preuve de sagesse et de magnanimité, Hafedh Caïd Essebsi aurait décidé de renoncer à se porter candidat parce que le pays n'a pas besoin d'une autre polémique et que le candidat du parti, finalement désigné, a toutes les qualités nécessaires pour représenter au mieux Nidaa Tounes. Au début, c'était Borhen Bsaïes qui avait lancé l'histoire en disant que Hafedh Caïd Essebsi avait l'intention de se présenter aux élections en Allemagne. Plus tard, il avait même confirmé cela en disant que c'était désormais officiel.
Alors de deux choses l'une, où Hafedh Caïd Essebsi a voulu se porter candidat aux élections en Allemagne dans un geste précipité et qu'il a ensuite décidé de renoncer suite à la polémique déclenchée, ou bien Hafedh n'a jamais eu l'intention de se présenter, et les « leaders » qui l'entourent n' en ont fait qu'à leur tête en commençant par Borhen Bsaïes, le chargé des affaires politiques. Dans les deux cas, cela montre que HCE n'a pas l'étoffe d'un vrai leader. Soit il ne « maitrise » pas ses troupes, soit il est hésitant et prend des décisions stratégiques à la va-vite.
Loin de faire cette analyse, les leaders de Nidaa Tounes s'enferment petit-à-petit dans une tour d'ivoire construite d'autosatisfaction et de suffisance. C'est qu'ils sont fiers de faire la Une des journaux et du fait que l'éventuelle candidature de Hafedh Caïd Essebsi fasse autant jaser. Ils sont fiers de faire parler d'eux, en bien ou en mal, comme s'ils étaient des starlettes de téléréalité. Ils sont aidés en cela par les résultats des sondages qui placent leur parti et leur président de la République en tête des intentions de vote. Ils se basent sur ses chiffres pour se dire qu'ils sont sur la bonne voie et qu'ils font du bon travail. Ils ne portent pas d'analyse particulière sur les chiffres de l'abstention par exemple, ils n'essayent pas d'analyser le fait que Moncef Marzouki soit toujours aussi présent dans les sondages, ils ne s'inquiètent pas du fait que rester premier n'empêche pas une baisse de « popularité ». Eux, ils sont contents que leur parti existe encore, malgré toutes ses tribulations, et ce n'est pas de l'action politique responsable.
Mais comme dit le dicton : Au royaume des aveugles, le borgne est roi. Ce n'est certainement pas l'opposition juvénile et enfermée dans des modèles périmés qui arrivera à faire le poids contre un parti qui se targue d'avoir au moins gagné des élections. Ce n'est certainement pas un des partis de la coalition au pouvoir qui y arrivera, mis à part Ennahdha. Quand on voit un parti comme Afek Tounes, qui fait partie de cette coalition et qui demande au gouvernement de « clarifier ses politiques », on est en droit de se poser des questions.
Le seul parti qui peut surpasser Nidaa Tounes est son fidèle allié, Ennahdha. Ce dernier a fait un geste pour son allié en lui laissant le siège de député pour l'Allemagne. Le but est de pouvoir dire qu'ils ont rendu service à leur allié d'un côté et d'optimiser les coûts en renonçant à un siège de député supplémentaire qui n'apporterait rien au premier bloc du parlement. Donc, pendant que Ennahdha fixe sa tactique et renforce sa position de parti le mieux organisé et le plus puissant de Tunisie, les leaders de Nidaa Tounes sautent de polémique en polémique en croyant que c'est le plus important. Ils sont devenus les maîtres de la déclaration à deux balles et de la petite phrase qui fera la Une des journaux, pendant que les leaders d'Ennahdha sillonnent le pays de long en large et mettent un point d'honneur à conserver une rigoureuse cohésion, au moins dans les apparitions médiatiques. C'est là la différence entre un parti d'amateurs qui voudraient grandir, et un parti de gens sérieux qui font ce qu'il faut pour contrôler le pays à tous les niveaux. Un des premiers tests qui permettra de confirmer tout cela, c'est la tenue, ou pas, d'un congrès de Nidaa Tounes avant les élections municipales.