Elle est la première femme tunisienne à occuper le poste de patronne des patrons. Wided Bouchamaoui, présidente de l'UTICA aura marqué son mandat par un prix Nobel de la paix obtenu en 2015 par le Quartet tunisien du dialogue national, entamé en 2013. Aujourd'hui, en marge du 16ème congrès national de la centrale patronale, elle a annoncé sa décision de renoncer à briguer un troisième mandat à la tête de l'UTICA alors qu'elle avait toutes ses chances d'être reconduite.
Wided Bouchamaoui est née le 18 octobre 1961 à Gabès. Femme d'affaires accomplie, elle intègre la société Hédi Bouchamaoui & Sons (spécialisée dans le pétrole, le BTP, le textile et l'industrie), une société fondée par son père, après avoir obtenu un DESS en commerce international et marketing. Au lendemain de la révolution de 2011, Wided Bouchamaoui accède à la tête à la Centrale patronale, suite à un consensus entre les différents membres du bureau exécutif de l'UTICA. Elle est élue présidente de l'UTICA au congrès national de 2013.
Mme Bouchamaoui, n'a eu cesse depuis de défendre les intérêts des patrons dans un contexte difficile de transition politique et économique semée de crises. Fait inédit, elle entame des négociations directes avec les syndicats et participe, avec l'UGTT, l'ordre des Avocats et la LTDH au dialogue national qui sera couronné d'un Nobel de la paix décerné au Quartet tunisien en 2015.
Cumulant plusieurs casquettes, Wided Bouchamaoui consacrera tout de même tous ses efforts à défendre bec et ongles, le secteur privé tunisien avec des positions fortes maintes fois contestées. Elle n'aura eu cesse de souligner que l'UTICA se tient loin des tiraillements politiques et que l'Union, fondée en 1947, n'a pour objectif unique que la préservation du tissu économique du pays et la réussite de la transition économique et sociale.
Le mandat de Wided Bouchamaoui a été semé de distinctions. Désignée par le magazine Jeune Afrique parmi les 50 personnalités qui font la Tunisie, elle a reçu le Women Business Award, dans le cadre du Partenariat de Deauville en 2013 et a été désignée parmi les 100 personnalités les plus influentes d'Afrique par le magazine New African.
En 2014, elle reçoit à Oslo le «Business for Peace Award», de la Fondation Business for Peace avant d'être décorée Grand-officier de l'Ordre de la République tunisienne par Béji Caïd Essebsi en 2015, année où elle recevra l'Egide d'Or, remis par l'Organisation arabe pour la responsabilité civile et où elle sera sacrée “Commandeur de la Légion d'honneur”, par François Hollande. Wided Bouchamaoui a obtenu le Prix Jeane J. Kirkpatrick, remis par le Réseau des femmes pour la démocratie, en 2016 et a été nommée “Docteur honoris causa” de l'université Paris-Dauphine, le 11 novembre 2017.
Ces prix et distinctions sont la consécration d'un travail colossal mené par la présidente de l'UTICA, qui a milité sur tous les fronts pour la reprise économique en Tunisie, de l'intérieur mais aussi en sillonnant le monde pour promouvoir son pays. Des qualités qui lui ont valu de nombreuses rumeurs d'ambitions politiques. Son nom a même été cité pour être désignée à la tête du gouvernement, ce qu'elle démentira formellement soulignant n'être nullement concernée par aucun poste ou responsabilité politique. « Toute mon attention et tous mes efforts sont dédiés à l'économie nationale et à la défense de l'entreprise pour lui permettre de jouer pleinement son rôle dans cette phase cruciale que traverse le pays » avait lancé la présidente de l'UTICA.
Un objectif qu'elle poursuivra avec acharnement, en menant d'abord des « combats » contre les syndicats « qui ont à coup de grèves et de revendications freiné la croissance du pays » et un dernier contre la loi de Finances 2018, « qui surtaxe les entreprises sans avoir pris en compte les propositions de l'UTICA ». Cette dernière bataille, qu'elle a encore défendue aujourd'hui, juste avant d'annoncer qu'elle ne briguera pas un nouveau mandat à la tête de la centrale patronale, a amené Wided Bouchamaoui à menacer d'un retrait de l'UTICA de l'Accord de Carthage.
Aujourd'hui même, devant le chef du gouvernement, Youssef Chahed, la présidente sortante de la centrale patronale a rappelé les « sacrifices consentis par les chefs d'entreprise et leur patriotisme ». Dans son dernier discours en tant que patronne des patrons, Wided Bouchamaoui s'est insurgée contre une loi de Finances « qui charge les entreprises ». « Nous sommes une organisation qui considère le paiement de l'impôt comme un devoir national sacré. Une organisation qui ne défend que ceux qui respectent la loi. Mais nous rejetons l'injustice et l'excès et nous refusons que la contrebande et l'économie parallèle détruisent les entreprises. Il est du devoir de l'Etat d'appliquer la loi et de protéger le secteur formel » a-t-elle souligné, ajoutant que des décisions douloureuses, comme l'arrêt du travail, ont dû parfois être prises en l'absence de réponses et « d'oreilles attentives ».
A la fin de son mandat, Wided Bouchamaoui a, en effet, multiplié les menaces étant le porte-voix de l'exaspération des patrons. Certaines positions lui ont valu de nombreuses critiques qui ne l'auront pas fait flancher. Aujourd'hui, elle a suscité la surprise en renonçant à la présidence de l'UTICA. Décision qu'elle explique en invoquant des raisons « strictement » personnelles.
« Je n'ai subi aucune pression interne ou externe, j'ai réussi certaines choses et échoué dans d'autres et puis le travail de l'Union continuera avec ou sans moi. Les gens sont étonnés de me voir me retirer alors que j'ai droit à un nouveau mandat, que ce soit alors une nouvelle habitude en Tunisie le fait de céder volontairement la place à d'autres » a confié Wided Bouchamaoui. Un exercice démocratique qui lui vaudra d'être sortie par la grande porte, un prix Nobel en poche et satisfaite d'avoir « tout donné durant son mandat »…