Le choc du deuxième tour de l'élection présidentielle opposant Kaïs Saïed à Nabil Karoui est dans quelques semaines. Certains électeurs ont déjà fait leur choix. Idem pour quelques partis politiques, notamment Ennahdha et le Courant démocratique. Or, les partis progressistes ne se sont toujours pas prononcés sur la question. Les candidats des partis progressistes ayant été balayés lors du premier tour de cette présidentielle n'ont toujours pas affiché leur soutien à l'un des deux candidats. Pour ce qui est du camp conservateur, l'affaire est déjà classée. C'est Kaïs Saïed qui bénéficiera de son soutien. Des candidats écartés au premier tour (Hachemi Hamdi, Hamadi Jebali, Lotfi Mraihi, Safi Said, Mohamed Abbou) soutiennent eux aussi leur ancien adversaire.
Du côté des progressistes, aucun des candidats à cette échéance électorale ne se sont, jusqu'à cette heure, prononcés sur la question. La gauche aussi d'ailleurs. Il faut dire que le choix est ardu. D'un côté, nous avons un candidat conservateur ayant réussi à provoquer un séisme voir un tsunami sur la scène politique tunisienne et d'un autre côté nous avons un candidat, accusé de corruption et de blanchiment d'argent, privé de son droit de présenter son programme électoral et de faire campagne.
D'habitude, avant chaque élection, les partis politiques ayant les mêmes visions s'unissent autour d'un seul candidat ou d'un seul projet. Ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui. Ni le Front populaire, ni Nidaa Tounes, ni Afek Tounes ni même le Parti destourien libre (PDL) n'ont clairement exprimé leur soutien à Nabil Karoui ou à Kaïs Saïed. Jusqu'à ce jour, seul Tahya Tounes a rendu public un communiqué sur ce sujet. En effet, le comité politique de ce parti a appelé, ce mercredi 18 septembre 2019, son conseil national à organiser au plus vite une réunion afin de déterminer sa position et de soutenir l'un des deux candidats au second tour de l'élection présidentielle. Pour ce qui est des autres partis politiques, ayant pris part ou non à la course à la présidentielle, c'est le silence total.
Les dirigeants dits progressistes ont pris l'habitude durant ses dernières années de s'entretuer et de se lancer par-ci et par-là des critiques et des accusations. C'est devenu presque une habitude ! La gauche, de son côté, se déchire de plus en plus… A titre d'exemple, le président de Afek Tounes, Yassine Brahim, a estimé, samedi 21 septembre, que la claque infligée à Tahya Tounes lors de l'élection présidentielle sera suivie d'une autre encore plus forte lors des élections législatives vu la performance défaillante de ceux au pouvoir. Il fait ici allusion à la prestation du chef du gouvernement, Youssef Chahed, candidat de Tahya Tounes à cette échéance électorale. Selon les résultats préliminaires de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), Youssef Chahed est arrivé 5e et n'a récolté que 249049 voix soit 7,38% des votes. Abdelaziz Belkhodja, dirigeant du parti « Au cœur de la Tunisie », s'est quant à lui attaqué, ce dimanche 22 septembre, au chef du gouvernement en estimant que ce dernier a fabriqué un dossier judiciaire contre Nabil Karoui comme il l'avait fait avec Fadhel Abdelkafi, Lotfi Brahem, Moncef Kartas et Saber Laâjili. « Au final, il n'y a aucune preuve affirmant que Nabil Karoui est réellement accusé de blanchiment d'argent ou d'évasion fiscale », a-t-il aussi lancé. Il ne faut pas oublier les candidats à la présidentielle ayant été autrefois des dirigeants phares de Nidaa Tounes, un parti qui est devenu aujourd'hui une coquille presque vide. Nous citons ici Néji Jalloul, Mohsen Marzouk, Saïd Aïdi et Salma Elloumi-Rekik, arrivés en bas du classement selon les résultats préliminaires de l'Isie. Eux aussi ne se sont pas encore exprimés qui des deux candidats soutiendront-ils au second tour de la présidentielle.
Une question se pose ici : Ces dirigeants politiques estiment-ils que Nabil Karoui n'est pas le meilleur choix pouvant réussir à unir et à rassembler la famille démocrate-progressiste ? A priori non puisqu'aucun des partis n'a encore donné sa réponse sur la question. Et il faut dire que l'éparpillement de la famille démocrate-progressiste a été en faveur du parti islamiste Ennahdha qui compte bien être une nouvelle fois la première force parlementaire après avoir remporté les élections législatives, prévues dans les prochaines semaines. Et ce danger peut s'agrandir si certains candidats à cette échéance connus pour leur extrémisme (Imed Dghij et Seif Eddine Makhlouf) remportent eux aussi un siège au parlement. Et les partis progressistes risquent de ne pas être assez nombreux pour contrer ce danger. D'ailleurs, le chef du gouvernement avait appelé le ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, à unir cette famille et à instaurer un équilibre au sein du parlement. Or, cet appel n'a pas eu bonne presse. En effet, l'ancien ministre de l'Emploi et la Formation professionnelle qui a également été le directeur de campagne de Abdelkarim Zbidi, Faouzi Abderrahamne, a indiqué, hier, sur son compte Facebook que ceux au pouvoir « sont inconscients, qu'ils font partie du problème, sont incapables de se rendre compte de leurs défauts et qu'ils ne pourront pas présenter une solution ».
Il est clair que certains dirigeants et partis politiques n'ont toujours pas réussi à enterrer la hache de guerre en vue de s'unir et d'essayer ensemble de sortir la Tunisie de la crise socio-politique et économique. Le dilemme pour choisir l'un des deux candidats à soutenir lors du second tour de la présidentielle n'est en réalité qu'un test pour cette famille. La famille progressiste n'est toujours pas prête à s'unir.