La pandémie du coronavirus Covid-19 a touché le Tunisie, comme c'est déjà le cas un peu partout dans le monde. Ses répercussions aussi bien sur le système sanitaire que sur le tissu économique sont indéniables. La batterie des mesures d'accompagnement économiques exceptionnelles prises par le gouvernement tunisien en témoigne. Mais cette période, aussi délicate soit-elle, a été marquée par une campagne de diabolisation des hommes d'affaires et de tous le secteur privé. Depuis l'apparition des premiers cas de contaminations de Covid-19 en Tunisie, tous les experts ont tiré la sonnette d'alarme. C'est dire que le système de santé dans notre pays n'est pas des plus performant. Une approche anticipative a été adoptée et le gouvernement, tout comme le conseil de sécurité nationale est allé vers le choix stratégique du confinement total. Or, cette mesure stricte, mais efficace si elle est complètement respectée a des répercussions directes sur l'économie nationale ainsi que sur les équilibres financiers du pays, déjà très fragile à ce niveau.
Toutefois, le gouvernement a fait son choix, et il a été amené à prendre plusieurs mesures jugées historiques pour accompagner les entreprises, notamment les PME, durant cette période de crise. L'objectif étant la préservation du capital humain et éviter au maximum la perte des emplois et le chômage technique. Cela dit, cette stratégie a un coût, et ce coût est très cher.
Ainsi, tous les regards ont été dirigés vers les hommes d'affaires. Et c'est à eux qu'on demande de payer, de venir en aide à l'Etat à travers les dons. D'ailleurs, dans ce contexte, le ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, Ghazi Chaouachi a considéré que les hommes d'affaires doivent aider l'Etat à lutter contre le coronavirus Covid-19 à travers les dons d'une manière bénévole, sinon il est possible que l'Etat les oblige à le faire. « Les hommes d'affaires se sont faits des fortunes. Certains d'entre eux ont présenté des aides. Mais c'est insuffisant. Nous voulons que l'élan de solidarité soit spontané, mais l'Etat peut agir et les obliger à payer », indique Ghazi Chaouachi. Dans ce contexte, Ghazi Chaouachi a assuré que l'Etat dispose des moyens légaux permettant d'appliquer ces mesures à travers la loi, comme l'impôt sur la fortune ou l'impôt sur le bénéfice. « Je ne parle pas des personnes, mais des grandes entreprises et les grands groupes. D'ailleurs, la relance et la reprise économique est dans leur intérêt ».
Et pour pousser le bouchon encore plus loin, la dernière proposition dans ce sens vient de la part du président de la République, en rappelant sa proposition datant de 2012 en rapport avec la réconciliation pénale avec les personnes impliquées dans des affaires de corruption financière, afin que cette réconciliation soit avec le peuple. « Cette proposition consiste à conclure une réconciliation pénale, qui est désormais évoquée dans plusieurs textes de loi. Cela doit s'inscrire dans un cadre juridique. Les personnes concernées doivent être classées par ordre décroissant selon les montants qui leur sont dus. Un autre classement doit être effectué au niveau des délégations des plus pauvres aux moins pauvres. Ainsi, chaque personne condamnée doit s'engager à réaliser les projets revendiqués par les habitants de chaque délégation sous la supervision d'une commission régionale chargée du contrôle et de la coordination. La réconciliation définitive n'est conclue que lorsque la personne concernée présente les justificatifs des projets qu'il a réalisés ».
Ces déclarations et propositions, émanant des plus hauts responsables de l'Etat n'ont fait qu'attiser les tensions. Des tensions assez palpables au sein de la société tunisienne. C'est dire qu'une grande partie des classes moyennes et défavorisées est déjà en grogne. La période de confinement conjuguée à un manque de moyens et une pénurie, même des produits alimentaires de base a créé un climat de tension et de révolte.
Toutefois, les hommes d'affaires et le secteur privé sont les principaux acteurs touchés par cette crise. Cela n'a pas empêché les grands groupes et même les moyens, outre le secteur bancaire et les opérateurs téléphoniques de faire des dons à l'Etat pour lutter contre le coronavirus. Des dons importants et assez considérables qui s'élèvent à des milliers et à des millions de dinars pour certains. Sans parler des différentes aides et autre dons en nature accordés à l'Etat. Mais cela ne semble pas être suffisant pour une grande partie de nos responsables, qui préfèrent en ces temps de crise jouer la carte du populisme pour tirer sur les hommes d'affaires afin d'absorber la colère de leurs bases. Une colère due à une absence d'action et une incapacité de trouver des solutions concrètes.
En tout état de cause, la situation économique en Tunisie étant très fragile, bien avant la crise du coronavirus, n'en sera que plus affectée. Le modèle économique en Tunisie nécessite une révision globale et fondamentale, et ce n'est pas en tirant sur les hommes d'affaires et en les diabolisant que la crise sera résolue, d'autant plus que tout le monde s'accorde sur le fait que c'est le secteur privé qui est en train d'investir en Tunisie, et c'est bien lui qui créé la richesse depuis des années.