A deux heures de Paris, au quatre-étoiles El Mouradi Gammarth, une femme se repose au bord de la piscine, transpirant sous son parasol, par 35°C. Son visage rougi est gonflé, des cernes bleus très marqués autour des yeux lui donnent l'air d'être la miraculée d'une rixe. Une gros bandage protège son nouveau nez, et elle affiche un large sourire. Elle palpe sa poitrine rigide et invite sa voisine, admirative, à faire de même. Sur leur droite, une dame plus âgée sirote, les yeux mi-clos, son cocktail 100% fruits frais. Sous ses vêtements clairs transparaît une gaine cachant les cicatrices de sa dernière liposuccion. Toutes trois sont en Tunisie pour les vacances, mais surtout pour passer sur le billard à moindre coût . « Avec une société qui vit à 100 Kilomètres –heure, conjuguer détente et opération, c'est toujours un peu de temps de gagné », souligne la plus jeune. Comme elles, plus de 1000 Européens sont séduits chaque année par les formules médico-balnéaires et par les 8500 médecins tunisiens et leur français parfait. S'inspirant des leaders thaïlandaise, Amor Déhissy a créé, avec sa femme, l'une des deux agences tunisiennes de tourisme médical agréées : Estetika Tour. « Avant 2004, il n'y avait pas de structure pour organiser ce nouveau tourisme, explique le directeur, pourtant cela fait dix ans que les Libyens et les Algériens viennent chez nous pour des soins élémentaires. » Aujourd'hui, sa clientèle est composée à 80% de Français. Même l'Etat tunisien joue le jeu, au point de faire du tourisme médical un argument de politique économique. Pour exploiter au maximum cette mine d'or, il s'est mis en quatre pour attirer les malades, exonérant les patients étrangers des taxes locales et allégeant les droits de douane à l'importation d'équipements médicaux. Ces petites attentions séduisent : Marie–Pierre, 55 ans, est emballée. « Mes paupières tombaient, je me sentais très mal à l'aises mais, faute de moyens, je n'ai pas pu faire cette blépharoplastie en France ». Partie avec son compagnon, elle est restée huit jours dans un hôtel luxueux. Au lieu des « 4000 à 5000 euros estimés en France », elle déboursé « seulement » 2500 euros. Alors comment procède-t-on ? Tout se fait par Internet. Les intéressés doivent télécharger le questionnaire et remplir la fiche technique : poids, âge, taille… Et surtout antécédents médicaux. Reste ensuite à planifier l'intervention : chirurgie du visage, du nez, du menton… et à envoyer les photos. « Je n'ai vu le chirurgien qu'une seule fois avant l'opération », précise Marie-Pierre. Justement, rares sont les patients qui s'alarment de ces évaluations minimales, de la prise en charge réduite et du suivi inexistant…. Au contraire, ils sont même soulagés d'en finir aussi facilement avec leur complexe. Avec les six pages de formulaire et la photo, le chirurgien fait une première évaluation. Ensuite, l'agence d'occupe de réserver l'avion et l'hôtel. L ‘opération est bouclée en une semaine ; « 60% de nos clients choisissent la chirurgie esthétique, 20% les soins dentaires et 20% la greffe de cheveux », énumère le directeur d'Estetika Tour. Fini, la méfiance d'autrefois. Aujourd'hui, ils sont de plus en plus nombreux à opter pour une opération délocalisée. Pour preuve, en 2004, les Déhissy ont démarré avec un client par semaine, aujourd'hui ils en sont à trois patients par jour. « Et la fréquentation augmente de 25 à 30% par an », ajoute le directeur. Avec un chirurgien payé huit fois moins qu'un français et une infirmière payée 300 euros (contre 1300 euros en moyenne en France), il n'est pas surprenant que la Tunisie soit devenu le paradis des candidats à l'embellissement chirurgical. « Même le matériel médical est beaucoup moins cher », note Amor Déhissy. Les patients sont accros : « J'y retourne pour une liposuccion », lâche Marie–Pierre, prête à prendre sa carte de fidélité!