« J'ai très peu apprécié des considérations culturalistes, pour ne pas dire racistes, formulées à Paris par certains. Comme si la démocratie était propre aux pays occidentaux », a expliqué M. Moncef Marzouki, président de la République tunisienne. Dans une interview accordée exclusivement au Journal du Dimanche, M. Marzouki a estimé que les deux pays travailleront cordialement : « Mais, je constate que les Français sont souvent ceux qui comprennent le moins le monde arabe, alors que ce devrait être le contraire. Les Français sont prisonniers d'une doxa au sujet de l'Islam ». Le président de la République a fustigé la position française et les déclarations de divers responsables politiques qui ont suivi la victoire des islamistes modérés en Tunisie : « L'esprit colonial, c'est terminé. La Révolution de janvier 2011 nous a donné la démocratie, la République et finalement l'indépendance ». Une leçon qui s'accompagne de piques sévères à l'égard des pays occidentaux, et pas seulement la France : « Tous les régimes dictatoriaux du monde arabe avaient besoin de la légitimation du monde occidental pour exister », a analysé M. Marzouki « ne serait-ce que parce qu'ils avaient planqué leur fric là-bas. Moi, je n'ai aucun compte en Suisse ni en France. Je suis désormais le président indépendant d'un pays indépendant ». M. Marzouki qui a nommé officiellement mercredi 14 décembre l'islamiste Hamadi Jebali, le numéro deux du parti Ennahdha, au poste de chef de gouvernement, estime que « les craintes à l'égard d'Ennahdha sont absurdes ». Et de plaider : « Notre société recèle une partie conservatrice et une autre moderne. L'expression politique du conservatisme, c'est l'islamisme. Vous avez des partis démocrates-chrétiens en Europe, nous avons un parti démocrate islamiste en Tunisie». Interrogé sur « ce qui rapproche Moncef Marzouki de Rached Ghannouchi, homme fort du parti islamiste Ennahdha », il n'hésite d'ailleurs pas à tracer des parallèles : « Nous avons une histoire commune : nous sommes deux enfants pauvres du Sud, deux anciennes victimes de Bourguiba puis de Ben Ali, deux anciens exilés ».