Un pédiatre de Bizerte, reconnu pour sa compétence, respecté et aimé pour sa générosité s'est laissé un jour convaincre et entraîner dans le monde de la politique. « Cette jungle » a dit Chirac, « cette sinistre rigolade » a surenchéri Simone Weil. L'on doit à la vérité de dire que notre docteur s'y est engagé en toute bonne foi et avec une conviction de néophyte qu'il allait « travailler pour le peuple et changer des choses ». Ennahdha lui est apparu alors comme le parti apte à lui offrir toute latitude de faire le bonheur des gens. Il y adhère, y milite, y gravit quelques échelons, se présente aux élections, remporte, comme ses pairs, une belle victoire et se retrouve à l'Assemblée nationale constituante. N'ayant pas l'étoffe d'un tribun, ni le « charisme » d'un Gassas, il reste discret et ne se manifeste que lors des votes pour consolider la position de son groupe. Jusqu'ici, l'on est en droit de penser de lui qu'il a, contrairement à tous les autres, compris la mission pour laquelle il a été élu : « contribuer, essentiellement, à la rédaction d'une constitution qui prépare le pays pour les générations futures ». Et on lui en sait gré, sans aucun doute. Dernièrement, à l'ANC, il s'est distingué par une intervention que ses électeurs ont qualifiée de « sélective » et d'inappropriée, car traitant du cas bien particulier d'un groupement résidentiel bien réduit situé aux confins de la délégation de Joumine et qui compte quelques ménages auxquels comme de juste il a rendu visite et dont la situation lui a « brisé le cœur ». L'on entend d'ici les protestations ! Certes, ces gens ont droit aux bienfaits que la Révolution de la dignité et de la démocratie est censée leur apporter ; certes, il y a lieu de déplorer leurs conditions d'existence et d'appeler à les améliorer. Cela peut se faire, sans aucun doute ailleurs que lors d'une séance plénière où les sujets pointus ne manquent pas, outre le fait que des familles pareilles sont légion. Certains ont vu dans cette intervention un début de « campagne électorale avant l'heure ». Dans leur grande majorité et fort judicieusement, les Bizertins se sont demandé si certains problèmes pressants de la région ont été résolus pour que l'on se concentre sur des questions qui sont plus du ressort des organisations de bienfaisance. « Nous aurions été comblés, a déclaré un citoyen, si notre élu avait évoqué la situation globale de la région laquelle semble devoir s'effacer devant les régions dites prioritaires ». C'est que les Bizertins aujourd'hui, après la Révolution ont cette impression que leur région ne fait pas partie des préoccupations du gouvernement, elle qui souffre des maux inhérents à tout le pays -chômage, infrastructures, équipements de base, cherté de la vie,…- outre, pour la ville de Bizerte, cette plaie ouverte appelée « pont mobile » et que les représentants de la région évitent d'évoquer, eu égard, peut-être, à l'énorme investissement que son remplacement nécessitera. Alors, mesdames et messieurs les élus l'on attend que vous souleviez les vrais grands problèmes, ceux qui relèvent de l'intérêt le plus général, si tant est que vous jugez le moment indiqué pour le faire. Autrement, abstenez-vous de soulever des questions équivoques ou sujettes à polémiques et controverses !