En dépit du chemin parcouru, des défis économiques et sociaux redoutables menacent d'entraver, voire d'interrompre, la marche en avant de la Tunisie ; c'est ce qui ressort du dernier rapport de l'International Crisis Group, ICG, « Tunisie : relever les défis économiques et sociaux ». Le document fait état de problèmes économiques inquiétants dont notamment la montée du chômage, les profondes inégalités régionales, la contrebande et la corruption. « Sous une quasi-normalité apparente, les contestations de nature économique couvent », selon William Lawrence, le directeur du projet Afrique du Nord de Crisis Group : « Les problèmes économiques et sociaux qui ont contribué au déclenchement du soulèvement ne sont pas abordés de manière adéquate et pourraient à nouveau causer des débordements ». Le rapport souligne que la Révolution inachevée a soulevé de nombreux espoirs d'amélioration de la vie quotidienne. La succession de gouvernements intérimaires ayant mis en œuvre des mesures d'urgence a certes maintenu une certaine paix sociale. Cependant, le gouvernement de Hamadi Jebali hérite d'une situation qui nécessite une réponse plus énergique. Des tâches urgentes attendent le gouvernement. La corruption persiste et engendre mécontentement et indignation. Les relations de pouvoir au niveau local se restructurent de manière parfois douteuse et opaque, notamment dans des régions où l'Etat ne parvient pas à rétablir son autorité. Le document juge le gouvernement incapable, pour l'instant, de juguler la corruption et d'étouffer les violences liées à la reconfiguration des rapports de forces locaux et à la prolifération des réseaux de contrebande. Sa marge de manœuvre est restreinte, limitée par l'inertie bureaucratique, la multiplication des sit-in et autres mouvements de contestation, les critiques politiques qui remettent en cause sa légitimité et une conjoncture internationale morose. Pour retrouver la stabilité socioéconomique, l'ICG recommande l'Etat de satisfaire les demandes populaires sans pour autant en susciter de nouvelles qui mineraient le fonctionnement des secteurs privé et public. Il doit maintenir la paix sociale, garder le cap en dépit d'une transition complexe et restaurer la confiance des populations locales. Dans cette nouvelle phase de la transition, le gouvernement devrait donner la priorité à la création d'emplois pour les jeunes diplômés, au développement régional et au soutien actif à ceux qui participent au secteur informel. L'une des clés du succès résidera sans doute dans la mise en œuvre d'une approche de consultation et de dialogue large.