Le Tribunal administratif a dit son mot : le décret-loi sur la confiscation des biens appartenant aux clans Ben Ali et Trabelsi est déclaré, en première instance, nul et non avenu. Maintenant, on se demande : l'Etat sera-t-il obligé de dédommager, pour préjudices subis, les personnes dont les sociétés ont été confisquées ? Deux décisions ont marqué les journées des lundi 8 et mardi 9 juin. D'abord, l'Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des lois déclare la loi portant création du Conseil supérieur de la magistrature anticonstitutionnelle à la suite d'un recours déposé par 30 députés (dont deux ont retiré leur signature à la dernière minute) considérant que 9 articles de la loi sont contraires à la Constitution. Ensuite, la décision prise par le Tribunal administratif, en première instance, d'annuler le décret-loi portant création de la Commission nationale de confiscation des biens revenant aux membres des familles Ben Ali et Trabelsi. La commission a été créée en mars 2011, une liste de personnes comportant 114 noms a été dressée et leurs biens et sociétés ont été confisqués. Quant à leur gestion, elle a été confiée à plusieurs administrateurs judiciaires dont la grande majorité ont contribué par leur inexpérience et leur incompétence à la faillite de la plupart de ces sociétés obligées de mettre la clé sous le paillasson et à licencier les employés et ouvriers qui y exerçaient. Seulement, depuis 2011, les propriétaires de ces sociétés n'ont jamais lâché prise et ont multiplié les procès devant la justice afin de prouver qu'ils ont été injustement privés de leurs biens qu'ils disent avoir acquis dans les règles de l'art. Parallèlement, la Commission nationale de confiscation des biens mal acquis continuait son action et publiait régulièrement les biens mobiliers et immobiliers sur lesquels elle mettait la main ainsi que les noms des personnes qui possédaient ces biens et qui ne figuraient pas sur la première liste. Et pas plus tard que vendredi dernier, le président de la commission parlait de nouveaux biens qu'on allait confisquer dans les prochains jours, en ajoutant toutefois que la commission était prête à négocier avec ceux qui veulent se réconcilier avec l'Etat et restituer à la trésorerie les biens ou l'argent qu'ils ont acquis dans des conditions douteuses. En contrepartie, l'Etat s'engagera à arrêter toutes les poursuites judiciaires lancées contre eux. Ils peuvent exiger des dédommagements Mais voilà que la donne a changé radicalement au profit des gens inscrits sur la liste des personnes accusées d'avoir profité de leurs liens avec les familles Ben Ali et Trabelsi et d'avoir amassé des fortunes colossales. Avec la décision du Tribunal administratif annulant le décret-loi sur la confiscation et naturellement les effets générés par l'exécution des dispositions contenues dans le décret-loi en question, les personnes incriminées ont changé de statut juridique puisqu'elles sont désormais des requérants-plaignants et non plus des demandés auxquels il était exigé de rendre des comptes à l'Etat. Hier, le ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, Hatem El Euchi, a recouru à tous les subterfuges possibles pour minimiser les effets de l'ordonnance rendue par le Tribunal administratif, «laquelle ordonnance n'est qu'une décision prise en première instance et qui peut être rejetée en appel et le cas échéant en cassation. Et c'est ce que le chargé du contentieux de l'Etat va entreprendre prochainement en attaquant en appel la décision du Tribunal administratif et au cas où l'ordonnance serait maintenue, nous irons devant la Cour de cassation», a-t-il martelé. Il reste que Hatem El Euchi et ses collaborateurs (dont le chargé du contentieux de l'Etat qui exerce au sein du ministère des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières) peuvent dès à présent rédiger les meilleures requêtes possibles, il n'en demeure pas moins clair que les biens confisqués peuvent être restitués à leurs propriétaires. «Et cerise sur le gâteau, confie à La Presse Me Ahmed Essafi, ancien constituant au nom du Front populaire, ils peuvent exiger d'être dédommagés pour les dégâts subis à cause de la confiscation de leurs biens».