Il y eut, dans l'Amérique du XIXe siècle, la ruée vers l'Ouest puis la ruée vers l'or, qui drainèrent vers le Nouveau Monde nombre de colons venus d'Europe. Hasardeuse revanche: pour les desperados de notre région, ces damnés de la terre fuyant les massacres, c'est le Vieux Continent qui fait aujourd'hui figure d'Eldorado. L'afflux intarissable de migrants, c'est avec terreur que l'Europe l'avait vu grossir, barricadée qu'elle était dans ses hésitations, écartelée entre valeurs républicaines et impératifs de sécurité. Voilà soudain qu'entre soir et matin, la forteresse Europe se dégèle, baisse son pont-levis, entrouvre généreusement ses portails à ceux qu'on n'appelle plus désormais des migrants mais des réfugiés, des déplacés, des demandeurs d'asile. Consciences remuées par tant de misère humaine, cravachées par ces images insoutenables qui ont inondé les réseaux sociaux? Intérêt économique, pressant besoin de main-d'œuvre portant la locomotive allemande à engager fermement le reste du convoi sur la voie de l'intégration contrôlée ? (...) Ce ne sont pas un, deux ou même cinq pour cent de la population libanaise que représentent la masse d'infortunés syriens qui ont trouvé asile chez nous. Que l'on y ajoute les centaines de milliers de réfugiés palestiniens qui y sont installés depuis des décennies, et cela fait du Liban l'infortuné champion mondial de l'hébergement humanitaire. Ce titre, notre pays s'en serait volontiers passé, et cela d'autant qu'il n'a pas été honoré à sa juste (et triste) valeur par la communauté internationale, à commencer par un monde arabe généralement aussi riche que vaste. Depuis des mois, les rations alimentaires prodiguées par les organismes de l'Onu ont dramatiquement maigri et les crédits à l'enseignement des enfants se sont évaporés. Or quel meilleur vivier de délinquants et de criminels – pire encore de terroristes, des terroristes qui ne menacent pas le seul Liban – que ces misérables villages de tentes ou de carton-pâte livrés à la frustration, à la faim et au froid ? (...) Issa Goraieb (L'Orient Le Jour) En Hongrie, le populisme au pouvoir Le 2 mai 1989, je me trouvais à Hegyeshalom, un village situé à la frontière entre la Hongrie et l'Autriche, pour une cérémonie dont aucun des participants ne soupçonnait réellement les conséquences qu'elle aurait sur l'histoire européenne. Des gardes-frontières hongrois munis de pinces-monseigneur entreprirent de démanteler le fameux «rideau de fer» dont Winston Churchill avait annoncé l'avènement 43 ans plus tôt. (...) C'est pourtant par cette brèche ouverte par la Hongrie que s'enfuirent, dans les semaines suivantes, des milliers d'étudiants est-allemands, déclenchant la crise politique qui finit par emporter le mur de Berlin le 9 novembre de la même année. C'est cette Hongrie, devenue libre de l'emprise soviétique après avoir permis le passage de milliers de réfugiés, qui a offert au monde certaines des pires images de l'exode de dizaines de milliers de Syriens, Irakiens, Afghans, auquel on assiste depuis cet été. Avant même la terrible photo du corps inanimé d'Aylan sur une plage de Turquie, nous avions été frappés par celles de ces familles tentant désespérément de passer au travers des barbelés déployés par l'armée hongroise le long de la frontière serbe, puis par des scènes indignes à la gare de Budapest. Etrange Hongrie qui, en moins de 30 ans, est passée du statut de fer de lance de la lutte contre le totalitarisme soviétique à celui de démocratie musclée, si musclée qu'elle fait figure d'exception dans la famille européenne. Malmenée par l'histoire du XXe siècle, est-elle condamnée à vivre dans la rancœur et la nostalgie d'un passé glorieux ? Que s'est-il passé pour que Viktor Orbán, le jeune progressiste révélé au monde en juin 1989 par un discours enflammé réclamant le départ des troupes soviétiques de son pays lors de la cérémonie en hommage à Imre Nagy, le dirigeant communiste hongrois exécuté deux ans après l'insurrection de 1956, se transforme en apprenti dictateur, certes élu et réélu, mais ayant tout oublié de la philosophie libérale qu'il était allé apprendre à Oxford ? (...) L'afflux de réfugiés sert aujourd'hui de révélateur des attitudes en Europe, entre des élans de générosité exceptionnels dont les Allemands ont été les pionniers, et le réflexe égoïste et de courte vue, dont la Hongrie est, hélas, devenue le symbole. Méfions-nous que la Hongrie ne soit pas annonciatrice d'autres dérives autoritaires et populistes ailleurs, d'un «front du refus» de mauvais augure. Pierre Haski (L'Obs) 62 chiens, 12 Premiers ministres et 9 Présidents pour Elizabeth II La reine a battu, hier, le record du plus long règne d'un monarque britannique. Une longévité qui lui a permis d'assister à de multiples valses politiques (et canines). Avec 63 ans, 7 mois et 3 jours, la reine d'Angleterre a détrôné le 9 septembre son aïeule Victoria au titre de monarque britannique ayant régné le plus longtemps. En fonction depuis le 6 février 1952, elle a succédé à son père, George VI. A cette époque, Winston Churchill entrait dans sa deuxième année de mandat de Premier ministre. Depuis, la reine a connu 11 autres locataires au 10, Downing Street mais n'a eu affaire qu'à une seule femme, Margaret Thatcher, entre 1979 et 1990. Quatre seulement lui ont survécu. En France, c'est encore la IVe République, lorsque la Reine se fait couronner. Vincent Auriol est président depuis 1947. Elizabeth II a ensuite eu l'occasion de discuter avec huit autres présidents français, dont quatre sont encore vivants aujourd'hui. L'actuelle reine d'Angleterre est devenue au fil des années indissociable de ses chiens. Depuis son enfance, elle s'est entichée des corgis, chiens courts sur pattes d'origine galloise. Une autre race a même été créée sur sa demande : les dorgis, un croisement entre teckel et corgi. Elle en a élevé près d'une quarantaine et en a également offert plusieurs d'entre eux à des proches. En août, le magazine Vanity Fair a consacré un article richement documenté à cette passion qui fait dorénavant partie de l'apparat de la reine. En juillet, elle avait annoncé qu'elle ne chercherait plus à avoir de nouveaux chiens pour ne laisser personne derrière elle. Aujourd'hui elle possède encore quatre chiens. Julien Jégo et Emilie Coquard (Libération)