Dans le classement 2020 de la nouvelle édition du rapport publié par la Banque mondiale «Doing Business», la Tunisie a fait un léger mieux en améliorant de deux places son classement pour se loger à la 78e position après avoir occupé le 80e rang en 2019 sur les 190 pays évalués par l'institution de Bretton Woods. Certes, la performance demeure en déca des ambitions mais le plus important est que le pays s'inscrit dans une tendance positive en matière des réformes entreprises pour améliorer le climat des affaires. Le pays a en effet réalisé une avancée pour la deuxième année consécutive après plusieurs années de décadence. Ce qui est de nature à lancer un bon signal aux investisseurs. Par malheur, les réformes substantielles prévues par la nouvelle loi transversale sur l'amélioration du climat de l'investissement n'ont pas été comptabilisées dans l'indice «doing business», à cause des recours pour inconstitutionnalité et empêché ainsi le pays de faire le rebond escompté, celui de faire partie des pays les plus réformateurs et substantiellement performants en matière de climat des affaires. Le pays n'a-t-il pas raté l'occasion de faire un nouveau saut dans le classement de doing business à cause du retardement de la promulgation de cette loi ? Le pays n'a-t-il- pas payé la facture des faux calculs politiques et des tiraillements odieux ? Sur le continent africain, la Tunisie occupe la 5ème place, alors que le Maroc, occupant le 53e rang, est le champion du Maghreb et le troisième en Afrique et de la région du Moyen Orient et Afrique du Nord (Mena). Il y a de quoi s'en occuper sérieusement et de près ! Une performance modeste La performance enregistrée par la Tunisie dans le classement «doing business» 2019 était réellement un exploit. Le pays a pu bondir de 8 places pour occuper la 80e position. Dans le rapport 2020, le pays n'a pu gagner que seulement 2 places, soit un gain total de 10 places en deux ans, ce qui est encore loin des résultats de 2012 où le pays a été classé 46e dans le monde. Dans l'édition 2020, la Tunisie a grimpé seulement de deux places. L'explication est motivée par le mécanisme de «l'effet de base», largement utilisé pour expliquer la dynamique d'évolution des grandeurs et variables, mais plutôt par l'effort concret des réformes du cadre d'investissement. La Tunisie se situe au 78e rang, avec un score de 68.7 sur une échelle de 100 contre 66.1 l'année précédente. Cette progression s'explique selon la Banque mondiale par l'effort déployé au titre de 5 indicateurs, en l'occurrence la création d'entreprise, l'obtention du permis de construire, paiement des taxes et des impôts, protection des investisseurs minoritaires et commerce transfrontalier. Dans ce sillon, la Tunisie est désormais au top 20 des pays en matière de création d'entreprises, en grimpant de 44 places et se classant 19e à l'échelle mondiale, et ce, grâce surtout à la digitalisation des services de l'Instance Tunisienne de l'Investissement. Plus important encore est le saut réalisé sur le front de l'obtention d'une permis de construire, où le pays a pu gagner 45 places d'un seul coup en occupant le 32e rang après avoir été à la 77e place dans le classement de 2019. Quant aux autres indicateurs, la Tunisie a bondi de 25 places en termes de paiement des taxes et des impôts, de 22 places en matière de protection des investisseurs minoritaires et de 11 places au titre du commerce transfrontalier. C'est en vertu de la disposition fiscale inscrite dans la loi de finances 2019 et consistant à réduire le taux d'impôt sur les sociétés notamment manufacturières à 13.5% à partir de 2021, que la Tunisie a bien progressé sur le front du paiement des impôts et taxes. En revanche, le positionnement de la Tunisie s'est vu entraver par la baisse au niveau de 5 indicateurs faisant partie intégrante de l'indice synthétique. Il s'agit du règlement de l'insolvabilité, l'obtention de prêts, le transfert de propriété, l'exécution des contrats et le raccordement à l'électricité, où la Tunisie a régressé entre 2 et 12 places. Précision oblige, le recul du pays ne signifie pas forcément la détérioration des procédures à ce titre mais revient plutôt à la performance plus importante d'autres pays. Eu égard à ces considérations, la Tunisie doit persévérer sur la réforme du cadre réglementaire régissant l'environnement des affaires pour faciliter davantage la vie des entreprises et briser tous les goulots d'étranglement procéduraux et administratifs dans le processus entrepreneurial. Améliorer le cadre institutionnel La Tunisie semble avancer lentement mais à pas sûrs. L'ambition d'atteindre le top 50 des plus grandes économies attractives du monde, le top 3 africain et arabe d'ici 2021 appelle le redoublement d'efforts aux fins d'attractivité du site Tunisie. Tout d'abord, il est question de valoriser les réformes inscrites dans la loi n°2019-47 du 29 mai 2019 portant amélioration du climat de l'investissement, lesquelles réformes se présentent sous forme d'interventions rapides, ponctuelles et efficaces ; brassent large et s'attaquant à plusieurs goulots d'étranglement de l'entrepreneuriat. Les réformes portant sur la simplification des procédures de création d'entreprises (dont la suppression de l'obligation d'obtention du certificat de dépôt du capital social auprès d'un établissement de crédit lors de la constitution de l'entreprise), ainsi que l'accès au financement (dont la bonification des taux d'intérêt pour les PME dans la limite de 3 points) et la gouvernance des sociétés commerciales (dont l'octroi de la possibilité aux associés minoritaires si un de ces associés possède au moins le quart du capital de la société de demander au gérant de convoquer l'assemblée générale à se réunir une fois par an) devront être d'un apport majeur en termes de qualité d'environnement des affaires et par ricochet le classement du pays. Ensuite, il s'agit de parachever le cadre règlementaire de l'investissement, en poursuivant le chantier de simplification des procédures et autorisations et leur transformation en cahiers des charges, afin de consacrer l'aisance de la pratique des affaires. Enfin, il importe de poursuivre l'élan des réformes structurelles liées à l'administration, les services publics, la fiscalité et les procédures du commerce extérieur et l'amélioration des services logistiques pour les mettre au diapason des standards internationaux. Dans son esprit, «Doing business» incite à la concurrence entre les pays pour la mise en place d'une règlementation efficace des affaires. Les points de comparaison de la règlementation des affaires et leur application effective n'est pas sans effet sur la perception des investisseurs étrangers et le choix de leur destination d'implantation. Pour cette raison, il importe de s'employer à améliorer le cadre institutionnel de l'investissement pour gagner en classement. Pourtant il ne faut toujours pas perdre de vue l'ajustement des fondamentaux de la décision d'investir qui sont le retour de la croissance et le redressement de la rentabilité des entreprises, lesquels exigent la dissipation de l'incertitude et le rétablissement de la confiance. Il y a du pain sur la planche ! (Source : CTFCI)