Par M'hamed JAIBI Avec près de 30 milliards de dinars, le budget de l'Etat pour l'année 2016 enregistre une augmentation de 7,1% par rapport à l'année actuelle. Sachant que le déficit budgétaire sera de 3,9% du PIB prévu, lequel compte enregistrer une croissance de 2,5%. Le déficit budgétaire, qui est actuellement de 4,4% (pour l'année 2015), se rapprochera ainsi des standards internationaux (3%). Cependant, ce déficit devant être épongé essentiellement par des emprunts, dépendra, en fait, des performances concrètes du pays et, notamment, du taux de croissance effectif et de l'évolution des prix internationaux du pétrole. Quant à l'endettement du pays, il passera de 52,7% à 53,4%. Les objectifs essentiels du projet de loi de finances pour 2016 sont la protection du pouvoir d'achat des catégories fragiles et de la classe moyenne, la relance de l'investissement et de la croissance et une amélioration des ressources de l'Etat par la réforme fiscale et douanière et la modernisation des méthodes de recouvrement des impôts et droits de douane. Car les capacités d'investissement de l'Etat dépendent des ressources financières qu'il pourra concrètement collecter. Quelques mesures fiscales S'agissant de la réforme fiscale, et en attendant une refonte radicale du système, de nouveaux critères sont établis pour mieux solliciter les trop nombreux commerçants du régime d'imposition forfaitaire, dont sont désormais exclus ceux dépassant 100 mille dinars de chiffre d'affaires, et un renforcement du contrôle par diverses mesures complémentaires est mis en place pour identifier la réalités des chiffres d'affaires et des revenus de chacun et les signes d'enrichissement, et recouvrer les impôts et taxes correspondants. Des moyens draconiens de contrôle et de recoupement sont d'ailleurs suggérés, comme la saisie de copies de tout contrat d'acquisition de bien immobilier ou de véhicule lors de la légalisation de signature à la municipalité, suivie de son transfert direct à la direction des impôts. Cependant, la loi de finances propose de reporter à janvier 2017 la généralisation de l'exonération fiscale dont doivent désormais bénéficier les personnes physiques dont le revenu annuel ne dépasse pas les 5 mille dinars, et ce, afin d'éviter l'impact de cette réforme «sur les équilibres généraux du budget de l'Etat». Une réforme pourtant que la loi de finances complémentaire pour 2015 avait dûment prévue pour le 1er janvier 2016. Côté relance des investissements, l'Etat donnera naturellement l'exemple pour ouvrir la voie aux initiatives des privés, grâce à des efforts essentiels en matière d'infrastructures et d'équipements, spécialement dans les régions retardataires. Les investissements publics seront ainsi de 5.400 MD dont 53% pour les nouveaux projets. Une baisse des subventions, sauf pour les denrées alimentaires, Dans le cadre des réformes de structure, une baisse des subventions et compensations est prévue, mais elle ne touchera nullement les produits de première nécessité. Ces subventions publiques passeront donc de 3.200 MD à environ 2.700 MD. Mais elles augmenteront pour les produits de base, passant de 1.350 MD à 1.600 MD, et pour le transport, passant de 416 MD à 433 MD. La subvention des carburants, elle, baissera sensiblement, passant de 820 MD à 580 MD, à la condition que le prix du pétrole ne remonte pas durant l'exercice 2016. En parallèle, le gouvernement prévoit de poursuivre et renforcer sa pression sur les prix à la consommation dans l'esprit de préserver le pouvoir d'achat des citoyens et notamment des salariés, ainsi que de protéger les indigents et les marginaux. La baisse symbolique des prix de l'essence (20 millimes) et du gasoil (50 millièmes) s'inscrit dans cette quête, du fait de son impact sur les prix des denrées et marchandises transportées. Sécurité et défense en priorité Cette pression sur les prix et la maîtrise des équilibres financiers ont ainsi permis de ramener l'inflation aux environs de 5%, mais le combat devra être sans répit parce que le marché parallèle des denrées agricoles et un manque de maîtrise des circuits de distribution des viandes rouges restent en cause. Le budget de l'Etat accorde, à hauteur de 17%, la priorité à la sécurité et à la défense. De même, la grande majorité des emplois publics à créer en 2016 iront à ces deux départements, qui sont en première ligne de la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite et l'insécurité. 5.200 nouveaux fonctionnaires seront donc recrutés par le ministère de l'Intérieur et 6.500 par le ministère de La Défense. Suivent le ministère de la Justice avec 1.100, et deux ministères sociaux : 2.700 la Santé et 190 aux Affaires sociales. Ce, alors qu'il est prévu au total 50.000 emplois nouveaux dont près de 30 mille par les privés. A la condition, bien entendu, que les investissements et la croissance prévus se confirment. Une baisse des taux douaniers pour affaiblir le marché parallèle Sur le plan de la lutte contre le marché parallèle, on prévoit la baisse des droits de douane et une limitation du recours aux «droits de consommation», d'ailleurs fortement contestés par l'Union européenne. Ces baisses vont réduire la pression fiscale à moins de 45%, ce qui va «inviter» les opérateurs du marché parallèle à rejoindre le secteur formel et intégrer la légalité. Mais pourra-t-on vraiment rabaisser la part de l'économie parallèle, comme le prévoit la note d'orientation 2016-2020, de 53% à 20%. Il est cependant évident que ces baisses auront un impact négatif, à court terme, sur les recettes de l'Etat, d'où l'idée de faire passer la TVA de 18% à 20%. Or, ce projet a vite fait d'être abandonné, légitimement accusé qu'il est, en tan qu'impôt indirect, de frapper sans distinction tous les consommateurs, et surtout les moins aisés, dont le pouvoir d'achat doit être spécialement protégé. C'est là l'un des mille délicats paris de la nouvelle loi de finances.