Visiblement, rien ne va plus en Tunisie. Une décennie après la révolution, les Tunisiens, tous, n'imaginaient pas que leur pays serait dans une telle situation. Crise politique inédite, crise économique sans précédent et situation sociale au bord de l'explosion. Tous les indicateurs sont au rouge, alors que les politiques sont pris au piège des querelles interminables. Aujourd'hui, les risques de mêler l'institution militaire dans ces conflits sociaux sont de mise. Le contexte national extrêmement tendu et ouvert à tous les scénarios ne fait qu'affaiblir la situation du pays à l'intérieur comme à l'étranger. La crise d'El-Kamour vient brouiller davantage la situation sociale du pays. A un certain moment, avec l'annonce en novembre dernier de la signature d'un accord au profit des sit-ineurs, nous avons pensé au dénouement. Mais, quelques mois plus tard, elle reprend de plus belle, mais cette fois-ci c'est l'institution militaire qui est au cœur de l'enjeu. En effet, s'opposant à la fermeture de la vanne de pétrole dans le désert de Tataouine et au blocage de la production pétrolière, l'institution militaire a été mêlée à ce conflit social que les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 n'ont pu traiter définitivement. Dernièrement, ce sont les propos de Tarek Haddad, principale figure du sit-in El-Kamour qui avait commencé en 2017 et qui se poursuit toujours menaçant la stabilité sociale du pays, mais aussi ses sites de production, contre l'armée nationale qui ont enfoncé le clou. Vendredi dernier, alors que le coordinateur général du sit-in El-Kamour Tarek Haddad prenait la direction des sites de production pétrolière pour fermer la vanne, il a été empêché par les unités de l'armée nationale mobilisées sur place. Il s'est donc délibérément attaqué à l'Armée nationale. Haddad a, en effet, lancé des propos dénigrants, impensables et indignes à l'encontre de ces unités, mais aussi contre l'armée nationale qui ne faisait que protéger ces sites de production. Dans une tentative de se rattraper, le concerné a voulu « s'expliquer », en affirmant qu'il «parlait de personnes qui n'avaient aucun lien avec l'Armée». La justice saisie Face à ces propos ignobles, l'Association tunisienne des militaires retraités a décidé de porter plainte contre Tarek Haddad pour atteinte à l'armée nationale. Dans un communiqué, l'Association a vivement condamné les déclarations du porte-parole du sit-in d'El-Kamour, dans lesquelles il s'attaquait à l'Armée nationale. Selon elle, Tarek Haddad a traité l'armée de «tous les noms et a porté atteinte à la dignité et à la souveraineté des forces armées». L'Association a également considéré ces déclarations comme un «crime odieux contre les militaires qui sécurisent les frontières et les biens publics». Et d'annoncer avoir décidé de faire face à ces pratiques « systématiques», et de prendre toutes les mesures légales pour préserver la dignité et le moral des militaires en portant plainte contre Haddad. En tout cas, depuis 2017, année qui a marqué le début des protestations sociales ciblant les zones de production, tous les Tunisiens avaient appelé à sécuriser ces zones en vue d'éviter le blocage de la production. Le 28 juin 2017, le Conseil de la sûreté nationale, réuni sous la présidence de l'ancien chef de l'Etat feu Béji Caïd Essebsi, avait adopté la proposition de loi considérant les sites sensibles et vitaux et de production ainsi que ceux de la production pétrolière du Sahara, comme zones militaires fermées. A partir de ce jour, ces sites sont continuellement protégés par l'armée nationale et interdits à tout accès. L'interminable agitation Cependant, les sit-in dans ces zones de production avaient continué, défiant ainsi la présence sécuritaire et militaire, notamment à El-Kamour, où des compagnies pétrolières sont basées. En novembre dernier, plusieurs zones de production de pétrole et de gaz avaient été prises pour cibles par de jeunes sit-inneurs qui réclament de l'emploi. Cette semaine, alors que nous avons cru au dénouement dans le dossier El-Kamour, la crise sociale a resurgi. Les sit-inneurs d'El-Kamour ont décidé de fermer à nouveau la vanne de pompage de pétrole et ont promis l'escalade. Ils accusent le gouvernement de détournement de position concernant l'application des accords signés en novembre dernier pour mettre fin à la crise. D'ailleurs, hier, Tarek Haddad a appelé les habitants de Tataouine à quitter leurs maisons et à fermer la station de pompage de pétrole d'El Kamour dans le cas où le gouvernement Mechichi ne mettrait pas en œuvre tous les termes de l'accord signé en novembre 2020. Dans cette ambiance de tension sociale, plusieurs habitants de Tataouine sont entrés, hier, de force dans le siège du gouvernorat pour réclamer l'application des points de l'accord signé avec la partie gouvernementale.