L'Assemblée des représentants du peuple a donné à voir un spectacle de désolation d'une ampleur inédite tout au long des péripéties des journées de mercredi et jeudi. Les Tunisiens s'habituent malheureusement à ce genre de scènes indignes des représentants du peuple. Chaque jour, ou presque, les images désolantes de violence, de tiraillements et d'accusations entre nos députés envahissent nos écrans et les réseaux sociaux pour témoigner d'une situation devenue hors de contrôle au Bardo. Munis de leurs smartphones et diffusant des «live Facebook» en direct et en permanence, nos députés sont pris au piège des querelles gratuites qui ne font qu'envenimer davantage la situation politique du pays et dégrader indéfiniment l'image d'un Parlement déjà entachée. Qui pour mettre fin à ce chaos qui tend à fragiliser la situation du pays ? Nos députés sont-ils devenus incontrôlables ? A qui profite cette image chaotique d'un Parlement qui est censé représenter les Tunisiens ? En prenant la direction des urnes en 2019, les Tunisiens n'ont pas pensé que leurs choix électoraux allaient mener vers cette situation. Un pays livré à une crise politique inédite, défaut d'entente politique entre les trois présidences et surtout un Parlement agité, tendu et même incontrôlable. Qui est responsable de cette image ? Pour certains observateurs, au vu de la composition hétérogène du paysage parlementaire, il fallait s'attendre à ces images de désolation. Un nouvel épisode de ce feuilleton interminable de tension au sein du Parlement a eu lieu mercredi et jeudi derniers. En effet, l'Assemblée des représentants du peuple a donné à voir un spectacle de désolation d'une ampleur inédite tout au long des péripéties des journées de mercredi et de jeudi. En observant les images diffusées directement par nos élus, on s'aperçoit, en effet, que la situation est devenue hors de tout contrôle. Le pire c'est que, désormais, ces guéguerres politiques impliquent les journalistes, les médias et même les fonctionnaires et administratifs du Parlement. Mercredi dernier alors que la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, voulait à tout prix accéder à la liste des députés et d'assistants parlementaires payés, selon ses dires, par des parties étrangères, dont notamment le NDI (National democratic institute, un think tank lié au parti démocrate américain), des accrochages ont eu lieu avec les administratifs du Parlement qui dénoncent un «harcèlement exercé par Moussi». Interdite d'accès au bureau Depuis, la tension ne cesse de monter sous la coupole du Bardo, jeudi, des scènes hystériques, de la violence, des insultes et autres ont été observés. Les agents et administratifs ont même interdit à Abir Moussi d'accéder au bureau de l'ARP, sous ordre de Rached Ghannouchi. Chose qui a dégradé davantage la situation, d'autant plus que la députée en question a dénoncé l'implication «des administratifs dans ce conflit purement politique». Dans cette image chaotique et au cœur de cette tension, un accrochage entre des députés d'Ennahdha et ceux du PDL a eu lieu et on n'a pas pu éviter le pire. Le député d'Ennahdha Neji Jmal a agressé sa collègue du PDL, Zeineb Safari, et lui a arraché son smartphone et l'a fracassé, une scène qui a été filmée en direct. Dans des déclarations médiatiques, le député d'Ennahdha a nié toute agression contre Zeineb Sfari, insistant sur le fait qu'elle n'avait pas le droit de le filmer à son insu. Dès lors, la tension s'est en effet accentuée et des scènes hystériques ont eu lieu, on se croyait dans un autre endroit, tout sauf un Parlement ! Une décision illégale ? Exclue de la réunion du bureau du Parlement, Abir Moussi a dénoncé une décision illégale prise par le chef de l'ARP, Rached Ghannouchi. Ce dernier s'est basé sur les articles 48 et 56 du règlement intérieur de l'ARP, «pour préserver les travaux du Parlement». Selon l'assesseur du président du Parlement, Meher Madhioub, cette décision «intervient en réaction aux agissements de Abir Moussi et perturbations itératives des travaux du Parlement dont la présidente du PDL était responsable mercredi et jeudi». En dépit de la légalité de cette décision, Abir Moussi a dénoncé le fait que des administratifs soient impliqués dans ces tensions politiques, affirmant que Rached Ghannouchi est en train de politiser toutes les structures du Parlement. Au fait, elle qualifie cet incident de «putsch contre sa légitimité de députée». Abir Moussi s'est attaquée aux fonctionnaires présents les qualifiant de vendus du « Cheikh », dénonçant le fait qu'ils empêchent une élue de l'opposition de faire son travail. Le député indépendant ex-Qalb Tounès, Hatem Mliki, a également qualifié la décision d'interdire un député d'accéder à la réunion du bureau du Parlement d'illégale. Pour lui, les articles 48 et 56 du règlement intérieur concernent la tenue des plénières et non pas les réunions du bureau de l'ARP.