Le 10e congrès d'Ennahdha, prévu début avril prochain, sera appelé à séparer définitivement l'action de prédication de l'action politique. Ceux qui choisiront de continuer à prêcher la bonne parole de Dieu créeront des associations pour y exercer. Mais ils doivent obéir aux dispositions de la loi sur les associations Il semble qu'Ennahdha a pris son courage à deux mains et a décidé de trancher dans l'épineuse problématique divisant ses rangs relative à la séparation entre la politique et la prédication. En plus clair, ceux qui veulent se consacrer à la prédication quitteront le parti et créeront des associations au sein desquelles ils se comporteront en prédicateurs se chargeant de propager les préceptes et les valeurs de la religion islamique. Quant à ceux qui choisiront la politique, ils militeront au sein du parti en tant qu'acteurs politiques se consacrant à la diffusion des programmes du parti, à la défense de ses positions politiques et à la participation aux activités partisanes de tous les jours «mais avec l'obligation d'abandonner la casquette de la prédication». Ajmi Lourimi, membre du bureau exécutif d'Ennahdha et responsable de son département communication, est on ne peut plus clair et précis : «L'action de prédication se fera dans un cadre différent, au sein de la société civile, tout en gardant la même orientation du parti». Il ajoute : «L'orientation générale sur la question de la séparation du politique et du religieux, débattue lors des congrès locaux d'Ennahdha, a montré une certaine préférence pour l'action de prédication en dehors du parti». Reste à savoir comment les acteurs du paysage politique et de la société civile réagissent aux déclarations de Lourimi et ont-ils l'impression ou la conviction que la confusion politique-religion, l'un des socles fondamentaux d'Ennahdha depuis sa création au début des années 70 du siècle précédent sous l'appellation Mouvement de la tendance islamique (MTI), a, enfin, vécu et que les nahdhaouis se comporteront en adhérents à un parti politique comme tout le monde ? Et comment explique Ajmi Lourimi lui-même les raisons qui ont poussé ses «frères» à trancher et à décider de ne plus porter deux casquettes à la fois et de choisir ou la prédication au sein de la société civile ou l'action politique avec ses contraintes et ses exigences mais bien dans les espaces qui leur sont réservés ? La Presse a sondé les réactions de quelques-uns parmi les acteurs de la scène politique et du tissu associatif. Réactions. Noureddine Ben Ticha, activiste politique nidaïste : «La société civile saura se protéger» Pour moi, la prédication islamique est pratiquée dans les pays où les peuples ne sont pas convertis à l'Islam. En Tunisie, où l'Islam est la religion de tout le monde, à l'exception de rares citoyens juifs ou chrétiens et dont le nombre régresse de jour en jour, je me demande que vont convertir les prédicateurs nahdhaouis qui vont abandonner la politique et s'occuper de nous guider sur le droit chemin comme ils l'entendent. Ce droit chemin, nous le connaissons parfaitement et nous n'avons pas besoin d'éclaireurs pour l'emprunter. Je suis convaincu qu'Ennahdha n'a pas fait sa mue mais il essaye de cacher sa peau et nous serions là pour enlever le masque qu'il va porter, quelle que soit sa marque. La société civile saura se protéger contre ces manœuvres néoclassiques. Ils savent bien que l'islam politique est, à jamais, révolu. Toutefois, ils s'accrochent au pouvoir en changeant de tactique toujours en tirant profit de la religion, en oubliant que l'Islam est la religion du peuple et que personne ne peut le confisquer sous n'importe quelle forme. Nizar Ayed, président de Ful Bright Friend Ship Association : «Un pas dans le bon sens mais...» A mon avis, il est demandé à Ennahdha d'abandonner totalement la prédication au profit des associations de la société civile spécialisées dans les affaires religieuses. Toutefois, l'annonce par Ennahdha de couper avec la prédication au cours de son prochain congrès constitue un pas dans le bon sens qu'on ne peut que saluer en attendant que les associations civiles qui vont s'occuper de la prédication soient totalement indépendantes des partis politiques à l'échelle de leurs structures, de leur financement et aussi des personnes qui vont les diriger. Mais il reste un problème d'une importance capitale : comment s'assurer que les associations civiles se consacrant à la prédication et aux œuvres caritatives sont réellement indépendantes de la mainmise des partis politiques. Il faut reconnaître aussi que dans les régimes démocratiques, il est impossible d'empêcher une association quelconque d'exercer une activité à caractère de prédication ou religieux. Aux USA, ces associations pourchassent les citoyens jusque dans leurs demeures pour leur proposer leurs services et les appeler à partager leurs orientations. Ajmi Lourimi, membre du bureau exécutif d'Ennahdha et chef de son département communication : «A chacun ses activités et son champ d'action» Au début de sa création, le mouvement islamique s'était consacré exclusivement à la prédication et ce n'est qu'à la fin des années 70 du siècle dernier qu'on a commencé à s'intéresser à la politique. Aujourd'hui, les choses ont changé et c'est la politique qui a pris le dessus. Au cours de notre congrès tenu en juillet 2012, la séparation entre la prédication et la politique s'est imposée sauf que nous n'avons pas tranché. Au cours du 10e congrès prévu début avril prochain, nous allons prendre la décision que tout le monde attend. Nous allons nous transformer en un parti qui s'intéresse uniquement à l'action politique et nos activités ne revêtiront plus de dimension religieuse. Ceux qui choisiront la prédication le feront en dehors du parti au sein d'associations de la société civile, comme l'autorise la loi régissant l'action associative. En plus clair, ceux qui présideront les associations de prédication ou d'action caritative n'auront plus aucun rapport avec le parti. Et dans tous les cas, ils seront astreints à respecter les dispositions de la loi sur les associations.