Le communiqué laconique du FC Cologne, concernant l'indisponibilité de l'international tunisien Ellyès Skhiri, en dit long sur l'irritation du club allemand après la blessure du pivot des Aigles de Carthage, intervenue lors de la dernière sortie du Team Tunisie. Touché au genou, Skhiri sera absent jusqu'à nouvel ordre, après IRM effectuée. Voilà pour la communication des Colognais, une note qui relance depuis peu le débat chez les assidus de la Rhein Energie Stadion, à propos du droit des joueurs extracommunautaires à répondre à l'appel du devoir national, alors que la saison bat son plein sur la rive gauche du Rhin. Bien entendu, comme avéré, les échanges sur les réseaux sociaux ne sont pas empreints de condescendance, mais plutôt enrichissants et fructueux. S'il se trouve donc que la trêve internationale, ou plutôt la fenêtre internationale fait à nouveau débat au sein d'un club européen où un joueur tunisien excelle, la FTF, à son tour, doit forcément se montrer réactive et s'engouffrer dans la brèche. Et qui sait quel happy-end pourrait intervenir comme nouer des relations et tisser des liens. Il faut comprendre par là que, dans le monde du football professionnel, c'est tout un art de transformer une perturbation en opportunité. Source de tensions entre sélections et clubs Revenons maintenant au précieux genou de Skhiri. Déchirures du ménisque interne, du ligament croisé antérieur ou du ligament collatéral médial, nous n'en savons rien, même si l'on sait que ce n'est pas grave (merci à la com du FC Koln). C'est comme ça, et nous n'avons pas le monopole des risques inhérents. Après leur escapade en sélection, plusieurs joueurs sont rentrés blessés dans leur club cette semaine. Une situation souvent source de tensions entre sélections et clubs. C'est tout le temps la même histoire avec cette trêve internationale de mars qui tourne un tant soit peu à la bérézina pour certains clubs. Alors que le calendrier est déjà surchargé, les joueurs appelés en sélection ont parfois connu un marathon de trois matches en une semaine, couplé à de longs déplacements dans toute l'Europe. Et forcément, ces rencontres ont fait des dégâts. De quoi faire grincer des dents, certes, pour des clubs qui connaissent un mois décisif en championnat. Mais soyons tout de même objectifs : à terme, c'est aux clubs de regarder vers l'avant et de trouver les meilleures solutions pour être compétitifs. Les besoins de la FTF Maintenant, si, ironie du sort, les Colognais font partie des victimes de cette trêve internationale, puisqu'ils ont perdu momentanément leur cheville ouvrière, de quoi provoquer un véritable casse-tête pour le coach Steffen Baumgart, dans la balance, il y a aussi les besoins d'une fédération, la FTF dans ce cas précis. Au final, quelle que soit la période traversée, on ne peut faire plaisir à tout le monde, même si certains irréductibles affirment haut et fort que vu que les joueurs sont rémunérés par les clubs, donc le club doit être prioritaire, sorte de pavé dans la mare qui pourrait dégrader à l'avenir les relations entre les deux parties… Et encore heureux qu'en Tunisie, nos responsables ne sont pas obnubilés ou plutôt attentifs aux longs déplacements et aux décalages horaires. Ce qui est le cas pour les Sadio Mané & co. En clair, les clubs européens doivent assumer leurs responsabilités, comme avoir un discours clair et transparent avec le joueur sous contrat, pour ne pas le mettre en danger, et donc, éviter les blessures… Cela dit, de tout temps, les rixes entre clubs et sélections ont jalonné la vie des joueurs internationaux. Ce n'est plus à prévoir, c'est périodique. Et forcément, cette situation peut exaspérer les clubs et certains entraîneurs. Sauf que quand un club européen réputé a un joueur sélectionnable dans son effectif, cela veut dire, d'une part, qu'il est bon et, d'autre part, qu'il est important pour le club. Donc, le club en question, Cologne, dans ce cas d'espèce, sait à quoi s'attendre. Certains diront même que c'est au club et non à l'intendance de la sélection de s'organiser pour que le joueur soit frais au maximum quand il revient en club, et ainsi, cela pourrait minimiser les risques de blessures. Franchement, c'est comme cela que ça doit fonctionner, indépendamment de tout et malgré tout. Il ne faut pas oublier aussi que si lesdits clubs laissent leurs joueurs évoluer avec leur nation, c'est aussi, et surtout, à cause du règlement de la Fifa. Le FC Koln en l'état est obligé de laisser Skhiri à disposition de la sélection tunisienne. Pas besoin de rouspéter, car il y a un règlement qui stipule que si le club ne libère pas son joueur, ce dernier sera suspendu et ne pourra pas participer au prochain match avec son club employeur… Risques existentiels et acteurs du jeu Cependant, avec la crise provoquée par le covid-19, il est tout à fait légitime et attendu que les instances assouplissent leurs règles pour les sélections. Comme, par exemple, autoriser les clubs à bloquer leurs joueurs, si ces derniers doivent subir une quarantaine de cinq jours. Sauf que si cette décision est provisoire, elle donne raison aux clubs dans ce bras de fer ! De quoi changer les règles dans les années à venir ? On verra. Abordons maintenant le volet propre au joueur, l'acteur du jeu, un protagoniste principal pris dans un tourbillon sans fin parfois. Pour Ellyès Skhiri, à n'en point douter, depuis quelque temps déjà, être appelé en équipe nationale constitue le graal, la quête suprême. Outre la reconnaissance de la haute valeur sportive qui y est généralement attachée, cette sélection a fait de lui un représentant de la nation engagée dans les compétitions internationales. Cela sonne, en effet, comme une évidence dans son esprit, car l'équipe nationale est celle de la nation. La tête et les jambes comme on dit, car les joueurs sont aussi des êtres dotés d'une sensibilité, d'une fierté et d'une citoyenneté à toute épreuve la plupart du temps. D'ailleurs, un tel apparentement se manifeste déjà dans la dénomination de l'équipe, laquelle prend le nom du pays, la Tunisie. Tout cela s'exprime également par les hymnes qui précèdent le coup d'envoi des rencontres, les tenues des joueurs qui reproduisent bien souvent les couleurs du drapeau national flanqué de l'étoile et du croissant, ou des figures emblématiques du pays, voire encore par des surnoms censés les caractériser sous forme de couleurs ou d'animaux emblématiques du pays. La mise à disposition des joueurs en sélection nationale est une obligation et non une faveur. Même si la condition physique des joueurs serait considérablement affectée au retour, les clubs du «DAX» allemand ou du «CAC» 40 français n'ont pas à râler si leur joueur fétiche revient avec des écorchures, et aucune garantie ne peut être apportée en amont. Tout cela dépasse le foot-business, car représenter son pays, c'est avant tout une question de fierté. Et d'ailleurs, pour les as de la dissection du football africain, inutile donc de venir râler sur le niveau des sélections, si elles sont amputées de leurs meilleurs joueurs à l'avenir !