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Moez Kacem, universitaire et spécialiste du tourisme, à La Presse : «Tous les indicateurs prévoient un retour à la normale en 2024»
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 01 - 2022

Le secteur touristique passe, depuis près de deux ans, par l'une des plus graves crises de notre époque. Mais, dans toute crise, il y a une opportunité pour changer, réformer, rattraper nos retards... Et dans une situation comme la nôtre, le pays doit s'engager sérieusement dans une stratégie de restructuration du secteur. Un chantier énorme qui nécessite la mise en place d'un train de réformes globales, concrètes et substantielles. Certes, sur le terrain, il est plus facile de dire que de faire, mais pour l'universitaire Moez Kacem, il suffit de passer à l'action avec, en main, une stratégie complète à mettre en œuvre pour sauver et développer efficacement le secteur car, qu'on le veuille ou non, il existe un apprentissage qui est en cours et qui peut évoluer. Entretien.
La nouvelle loi de finances a pour mission de préparer les différentes grandes réformes économiques et sociales que compte mettre en œuvre le gouvernement. Que pensez-vous des mesures annoncées au profit du secteur touristique?
Le projet de la loi de finances pour l'exercice 2022 a dévoilé deux grandes mesures au profit du secteur du tourisme : il y a tout d'abord la prolongation pour 6 mois de la prime exceptionnelle de 200 dinars au profit des employés du secteur en chômage technique en raison de la crise liée au covid-19 et puis la prise en charge par l'Etat des cotisations patronales à la sécurité sociale au titre des salaires payés du 30 juin 2021 au 31 mars 2022. Ces deux mesures, qui ne sont pas nouvelles, visent la sauvegarde des emplois. Cependant, il y a eu beaucoup de difficultés à mettre en œuvre la seconde mesure et plusieurs professionnels n'ont pu en bénéficier. De même, le montant dérisoire de la prime n'a pas aidé à atteindre le but initialement escompté et on assiste à une immense vague de reconversion professionnelle.
Ce qui fait, qu'aujourd'hui, le secteur du tourisme risque de faire face à un grand déficit en termes de main-d'œuvre à la reprise, et cela peut perturber le fonctionnement de la chaîne de valeur et toucher également la qualité des prestations. Il est essentiel de noter aussi que la vulnérabilité des emplois dans le secteur n'est pas un phénomène récent ; la saisonnalité accrue de l'activité, la mauvaise prise en charge sociale des employés et l'insuffisance de contrôles rigoureux de l'inspection de travail constituent tous des facteurs qui ont engendré cette vulnérabilité et auxquels on n'a pas encore apporté des réponses.
Pour sauver le tourisme, l'OMS a proposé de l'inclure en tant que priorité dans les futurs efforts de redressement. A elle seule, cette approche est-elle suffisante pour rendre compte des conséquences réelles de la crise sanitaire sur ce secteur avec notamment l'apparition du variant Omicron et sa forte propagation ?
Les recommandations de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), confirmées par les recommandations de l'OMT (Organisation mondiale du tourisme), ont placé le secteur du tourisme à la tête des sinistrés de cette pandémie. On a vu plusieurs pays qui ont décrété des mesures «bien garnies», côté budgétaire. Le soutien des compagnies aériennes en constitue aussi une partie capitale. Il ne faut pas oublier que plus de 80% des arrivées touristiques (en provenance des marchés européens) empruntent l'aérien. Or, il est de notoriété publique que la flotte nationale constitue le tendon d'Achille du tourisme tunisien ces dernières années.
Par ailleurs, le ministère du Tourisme tunisien, en partenariat avec l'OMT, a réalisé une étude d'impact de la crise sanitaire sur le secteur. Cette étude comporte aussi des recommandations pour accélérer la reprise et prévoit un budget conséquent à déployer. Il est crucial ici de souligner que l'aspect international de cette crise fait de la coordination entre les pays un facteur déterminant pour la reprise, chose qui n'est pas évidente avec l'apparition des nouveaux variants, le gap en termes de pourcentage de vaccination de la population, etc.
On dit souvent que, dans toute crise, il y a une opportunité. Celle du covid-19 serait-elle de prendre un tournant vers un secteur plus compétitif et de rompre avec l'existant ?
Il est évident que cette crise va laisser des séquelles dans le secteur et là, c'est peut-être une opportunité pour un auto-assainissement qui nous ramènera vers une meilleure compétitivité ; la disparition de certains acteurs va vraisemblablement contribuer à une montée en gamme chez d'autres, le changement de comportement chez les touristes internationaux, l'augmentation de la part du tourisme local et les efforts de survie déployés actuellement vont changer progressivement la configuration du secteur. Les hébergements alternatifs qui naissent à un rythme très rapide, la forte demande enregistrée chez les hôtels de chaînes, l'affluence sur la région du sud tunisien..., ne sont qu'une illustration de cette nouvelle configuration.
Mais, là encore, il faut être réaliste, car l'amélioration de la compétitivité du secteur ne peut se faire du jour au lendemain et surtout dans le tourisme où la concurrence est rude. Plus encore, une destination comme la nôtre, qui a choisi ou subi un positionnement stratégique de «low cost» tout au long de ces années, nécessitera une décennie pour changer de positionnement. Pour toutes ces raisons, il faut qu'on ait tout d'abord une vision consensuelle pour ce secteur qui demandera, par la suite, la réadaptation de notre offre, de notre plan de marketing et le choix de nos partenaires internationaux... A cet égard, un grand travail de fond est vraiment nécessaire.
Mais là encore, entre crise et recomposition, le secteur se retrouve face à une multitude de défis car, sur terrain, on a du mal à conduire le changement. Quelle stratégie à adopter pour gérer la crise efficacement, à l'heure où l'Etat est toujours absorbé par la situation sanitaire ?
Au cours de ces deux années de crise, partout dans le monde, les autorités sanitaires ont pris les manœuvres et peu de marge est laissée pour les autorités de tutelle du secteur touristique. Ce dernier n'est pas habitué à ce mode de gouvernance rigide d'où les difficultés de conduire le changement.
En général, l'innovation se produit en période de prospérité et non pas en période de crise dans laquelle seuls des plans de continuité d'activité (PCA) sont déployés. En parlant d'efficacité en ces jours-ci, elle ne peut désigner que la préservation du tissu touristique : PME, groupes étrangers, employés, prestataires, etc. C'est une crise qui a duré dans le temps, mais qui est marquée aussi par une grande incapacité de prévision car on ne peut prévoir à quel moment la pandémie prendra fin, ni ce qui va se passer dans les prochaines semaines, ni encore les décisions à prendre par les gouvernements.
Vous savez bien, qu'en termes de voyages, les gens s'organisent des mois à l'avance pour prendre leurs congés, réserver leurs sièges d'avion à des prix abordables ou choisir leur destination conformément au nouveau concept «staycation*». Les complications engendrées par la crise sanitaire, d'une part, les mesures non harmonisées entre les pays émetteurs et ceux qui sont réceptifs, d'autre part, imposent une réalité bien complexe sur le terrain.
Je reviens pour répondre d'une manière concise à votre question, la stratégie gagnante passe par un pourcentage de vaccination élevé, un soutien plus robuste aux acteurs du secteur et une flexibilité en termes de mesures d'accessibilité. Plus tard, s'engager sérieusement dans une stratégie de restructuration du secteur s'avère inéluctable.
Comment voyez-vous l'avenir du secteur et quels sont les grands chantiers sur lesquels la Tunisie doit encore travailler dans le futur ?
Le tourisme restera toujours un secteur attractif des investissements étrangers et un secteur du cash qui servira à alimenter la caisse de l'Etat en devises. Les pays développés, comme les destinations en développement, misent encore sur le secteur du tourisme. Il ne faut pas trop s'inquiéter de son essor car c'est un secteur qui a su survivre aux crises et aux guerres durant l'histoire et c'est aussi un secteur qui s'invente après les crises. Pour la Tunisie, je vais peut-être vous surprendre si je vous dis que, pour moi, les grandes priorités sont, tout d'abord, d'ordre juridique. On ne peut pas innover, changer de configuration ou attirer de nouveaux investissements avec le même arsenal juridique et fiscal. Un inventaire de la législation est hautement sollicité, de nouveaux textes régissant les concepts basiques comme la définition d'un établissement touristique, par exemple, et les concepts compliqués à l'instar de la classification, des cahiers des charges, etc. doivent être mis en vigueur pour faciliter et orienter de futurs projets vers de nouveaux territoires, l'inclusion sociale et la durabilité… Cette réforme juridique doit, à mon avis, revisiter la convention collective sectorielle, favorisant l'atténuation de la vulnérabilité des emplois.
En second lieu, un grand travail d'amélioration des paysages, de propreté et de perfectionnement des infrastructures communes est nécessaire. Aujourd'hui, on ne peut pas se contenter de limiter de tels travaux aux zones touristiques, mais il faut adopter une approche plutôt territoriale. Cela permettra par la même occasion de réconcilier le citoyen avec le secteur du tourisme et de changer son image, plutôt dégradée, chez les locaux. Ce type de travaux conduira à l'amélioration du quotidien du citoyen tunisien et à «touristifier», si j'ose dire, le pays et non pas uniquement les stations traditionnelles.
En troisième lieu, il faut bomber le torse de Tunisair et refaire carrément l'aéroport de Tunis-Carthage. En effet, la compagnie nationale a besoin d'un soutien financier plus important mais qui doit être accompagné de la mise en œuvre du plan de restructuration déjà validé par l'Ugtt et le ministère du Transport. Et donc, injecter des fonds sans restructuration ne ramène absolument à aucun soulagement et vice versa. Aussi, vieille dame, l'aéroport de Tunis-Carthage, première et dernière image de la destination, est devenu un véritable calvaire pour les passagers. C'est une structure à refaire complètement tout en pensant à le lier convenablement à la ville par plusieurs moyens de transport (métro, bus, etc.).
Vous avez déclaré récemment que ''2021 n'est qu'une copie conforme à 2020 et que ceux qui ont pensé que la reprise était au bout des doigts ont tort, et que la lutte pour la survie se durcit davantage chez les acteurs du secteur''. Cette déclaration n'est-elle pas pessimiste pour un nouveau départ ?
Je la trouve plutôt réaliste et les chiffres enregistrés en 2021 confirment ma déduction. En effet, les performances du tourisme mondial, tout comme le tourisme tunisien d'ailleurs, se rapprochent de ceux de 2020. Plusieurs études des institutions internationales le disent aussi. Une légère amélioration est notée dans les arrivées aussi bien qu'au niveau des recettes, mais on est encore trop loin (-63%) des performances de 2019 (année d'avant-pandémie) comme le précise le document publié par l'OMT. Par ailleurs, la situation sanitaire au niveau des marchés émetteurs, les multiples restrictions aux voyages et la situation des tour-opérateurs internationaux n'aident pas le secteur à retrouver des couleurs. Et donc, le chemin de la convalescence va être long et difficile. Ce n'est qu'un petit «ouf» de soulagement enregistré qui permettra aux acteurs de résorber certaines charges fixes et de garder le contact avec les partenaires étrangers et locaux, mais tous les indicateurs nous laissent prévoir un retour à la normale en 2024. D'ici là, il faut se restructurer comme destination et survivre en tant qu'acteurs.
*Mode d'organisation pour passer ses vacances tout en dormant chez soi chaque soir.


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