Pourquoi les Tunisiens ont finalement accepté la nouvelle Constitution ? Ce vote émane-t-il d'une mûre réflexion sur le fond du texte présenté par le Président de la République ? Le vote a-t-il été influencé par la forte popularité du Président de la République ? Les dés sont jetés, inutile d'attendre les résultats finaux, le « OUI » a été donc le choix écrasant des votants, avec un taux qui a dépassé les 90% selon les estimations des bureaux de sondage. Le Président de la République peut donc compter sur ce nouvel appui populaire qui confortera davantage sa position politique en dépit d'une grande opposition menée notamment par le Front de salut et le parti Ennahdha. Il est vrai que près des trois quarts des inscrits n'ont pas voté, le 25 juillet, mais pour le Président de la République, le taux de participation a été sanctionné par la période estivale. Pourquoi les Tunisiens ont finalement accepté la nouvelle Constitution ? Ce vote émane-t-il d'une mûre réflexion sur le fond du texte présenté par le Président de la République ? Le vote a-t-il été influencé par la forte popularité du Président de la République ? En tout cas, les interrogations des Tunisiens sont nombreuses, mais les estimations des bureaux de sondage d'opinion peuvent apporter quelques éléments de réponse. Selon les estimations des bureaux de sondage, 92,3 % des 27% de personnes qui ont participé au référendum ont voté en faveur du projet de Constitution proposé par le Président Kaïs Saïed. Un taux écrasant certainement, mais qui ne cache pas le grand nombre d'abstentions. Au fait, il faut rappeler que pour préparer le référendum, le registre électoral a été actualisé en enregistrant automatiquement les Tunisiens non inscrits. Ainsi, près de deux millions de nouveaux électeurs ont été rajoutés à ce registre, dont une majorité qui ne se sent pas concernée par cet évènement. Cette donnée peut aider à mieux comprendre le taux d'abstention jugé très élevé, notamment par les détracteurs du Président de la République. Selon les premiers résultats estimatifs présentés juste après la fermeture des bureaux de vote, la majorité des électeurs (24%) a voté « OUI » pour « améliorer la situation du pays », contre 23% voulant « soutenir le Président de la République » et 17% ambitionnant de « dépasser la dernière décennie ». Seulement 13% ont voté pour la nouvelle Constitution parce qu'ils en sont « convaincus ». La personnalité de Saïed déterminante ? Une interprétation de ces estimations montre clairement que la personnalité et le projet du Président de la République étaient décisifs dans cette « large victoire ». Ce vote n'a pas eu donc lieu en fonction du fond de la Constitution, mais c'est le projet du Président de la République, sa personnalité et ses slogans relatifs à la purification de la vie politique qui ont le plus compté. Mais comment expliquer surtout ce taux écrasant qui frôle les 93% ? Pour les observateurs de la scène politique, ceux qui ont afflué vers les urnes étaient déjà convaincus de leur choix de soutenir la démarche engagée le 25 juillet. Par contre, ceux qui sont contre ont décidé en majorité de boycotter carrément toute l'opération référendaire, y compris la campagne. Mais toujours selon les bureaux de sondage, 21% du corps électoral a choisi de boycotter le référendum sur le projet de la Constitution. Tandis que 54% d'entre eux n'ont pas voté pour diverses raisons et pour plusieurs réserves liées au retour de la dictature ou le rejet du processus de Kaïs Saïed, etc. Le « Oui » signifie également un vote sanction, pour certaines personnes, dans la mesure où cet acte de vote correspond à un message contre toute la classe politique qui a conduit le pays tout au long de ce qu'on appelle la « décennie noire ». Pour eux, voter « oui » c'est voter contre le système politique qui a prévalu depuis 2011 et qui a été rompu par le Président de la République, le 25 juillet 2021. C'est aussi voter contre un Parlement dont l'image a été lourdement entachée par les guéguerres politiques et par les formes de violence. Aussi, ce vote sanctionne notamment le parti Ennahdha et son leader historique Rached Ghannouchi d'ailleurs, selon les témoignages des électeurs, voter pour la nouvelle Constitution équivaut au départ du parti islamiste. Donc dire que ce vote émane d'une mûre réflexion et d'une conviction compte tenu du projet de Constitution présenté s'avère difficile si on se réfère à la perception générale des électeurs. D'ailleurs, après sa victoire, Kaïs Saïed a fait la promotion de la Constitution tout en promettant une forte participation des régions dans la chose politique. Le Front de Salut réagit Dans la foulée, c'est le Front de salut qui poursuit son opposition au processus du 25 juillet. Lors d'une conférence de presse, son leader Ahmed Nejib Chebbi a décrédibilisé les résultats annoncés par les bureaux de sondage mais aussi ceux relatifs à la participation au référendum. Le Front de salut national a tenu à souligner, dans un communiqué, que 75% des électeurs n'ont pas voté lors de ce référendum et « ont refusé d'approuver une Constitution despotique », une abstention qui rend illégitimes les résultats du référendum, appelant le Président de la République à présenter sa démission.