Le président Béji Caïd Essebsi entreprend une visite officielle de trois jours à partir de demain, mardi 17 mai, au Qatar à l'invitation de l'Emir Cheikh Tamime Ben Hamad Al Thani. Il sera accompagné d'une importante délégation de ministres et de conseillers. Cette visite éminemment politique prévoit la signature de nouveaux accords bilatéraux en vue de donner une nouvelle impulsion aux relations tuniso-qataries et renforcer la coopération entre les deux pays Les perspectives de la visite sont tout à fait envisageables pour au moins deux raisons : la première est que le Qatar s'est fortement mobilisé en faveur de la Tunisie dès le déclenchement de la révolution et qu'il a le plus aidé financièrement la Tunisie, depuis. La deuxième : la diplomatie tunisienne est en passe de retrouver son pragmatisme et ses fondamentaux basés sur l'entretien des bonnes relations avec tous les pays, la neutralité vis-à-vis des problèmes internes des pays, proches et lointains, ainsi que le respect des engagements internationaux. La visite sera également l'occasion d'examiner les questions arabes et régionales d'intérêt commun. Autrement dit, l'évolution de la guerre internationale contre le terrorisme et la situation dans les zones de conflit, en l'occurrence Syrie, Irak, Libye. C'est ce qu'a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, qui était à Doha récemment pour représenter la Tunisie aux travaux de la 7e conférence ministérielle du Forum de coopération sino-arabe (11 et 12 mai), et qui a rencontré son homologue qatari Cheikh Mohamed Ben Abderrahmane Al Thani, dans le cadre de la préparation de la visite présidentielle à l'émirat du Qatar. Quatre ministres et cinq conseillers accompagneront le président de la République dans sa visite au Qatar : MM. Khemais Jhinaoui, les Affaires étrangères, Slim Chaker, les Finances, Yacine Brahim, l'Investissement et la Coopération internationale, et Lazhar Karoui Chebbi, ministre conseiller représentant personnel du président de la République. Du côté des conseillers, MM. Ridha Chalghoum, chargé du suivi des réformes économiques, Fayçal Al Hifyane, suivi des événements politiques, Moez Sinaoui, chargé de l'information et de la communication et porte-parole de la présidence de la République, Firas Gafrachi, pour l'informatique, Mondher Mami, chargé du protocole, Sami Saïdi, suivi des dossiers. Pourquoi le Qatar et maintenant ? On serait, bien sûr, tenté de s'interroger sur le timing et la destination. La réponse éminemment diplomatique est : «Le président de la République reçoit beaucoup d'invitations, mais la décision est tributaire de son agenda et des priorités. Au cours de la première année de sa mandature, le président a effectué 13 visites, elles étaient conjoncturellement indispensables et ciblées, notamment en Algérie et aux Etats-Unis. Par ailleurs, le chef de l'Etat a visité tous les pays du Golfe, sauf le Qatar et les Emirats arabes unis» (dixit le porte-parole officiel de la présidence de la République, Moez Sinaoui). Et pourquoi pas maintenant ? Les déplacements d'un chef de l'Etat à l'étranger se font toujours l'écho d'une conjoncture particulière-crise politique, économique ou les deux à la fois, et d'enjeux importants immédiats et futurs. C'est le cas pour la Tunisie et il faut espérer que cette visite du président Caïd Essebsi au Qatar sera couronnée de succès, celui qui donnera un nouvel élan aux investissements qataris en Tunisie, renforcera les échanges commerciaux et favorisera le rapprochement des vues pour ce qui concerne les questions arabes et régionales qui touchent les intérêts des deux pays. Cette visite est également importante pour la colonie tunisienne au Qatar qui compte 17.750 résidents dont 7.089 travaillent en tant que cadres dans les secteurs public et privé ou exercent des professions libérales, et environ 2000 employés. Les compétences tunisiennes travaillant au sein de l'émirat dans le cadre de la coopération technique, sont, quant à elles, au nombre de 2.815 dont 1.249 dans le domaine de la santé, 613 dans l'enseignement et l'éducation physique, 79 dans le domaine de l'électricité et 47 dans le secteur du pétrole et du gaz. L'émirat du Qatar s'est dit, à plusieurs occasions, prêt à doubler la capacité d'accueil des compétences tunisiennes. Une rencontre du chef de l'Etat avec la colonie tunisienne à Doha est prévue dans le programme de la visite. Le Qatar, deuxième investisseur arabe et du Golfe L'émirat du Qatar est le deuxième pays arabe et du Golfe investisseur en Tunisie. Les domaines d'intervention sont variés dont l'agriculture et les services (2 milliards de dinars d'investissements et 1.014 postes d'emploi), le tourisme avec le projet de Diar Qatari de Tozeur (60 millions de dollars) et les télécommunications (90% de Ooredoo Tunisie). Malgré tout, en raison du coût élevé du transport, de la non-conformité des normes tunisiennes avec les exigences du Qatar à l'importation et la concurrence des pays asiatiques, les échanges commerciaux entre la Tunisie et le Qatar restent en deçà des potentialités des deux pays, bien qu'ils aient doublé entre 2009 (8,8 MD) et 2015 (plus de 16.000 MD). L'huile d'olive, les dattes, l'agroalimentaire et les fruits constituent les principales exportations tunisiennes vers le Qatar. La Tunisie, de son côté, importe du Qatar essentiellement les matières premières du plastique et l'ammonitre (engrais). Les relations tuniso-qataries sont régies par 87 conventions juridiques, couvrant tous les domaines, et plusieurs mécanismes de coopération bilatérale dont principalement la commission supérieure mixte, créée en 1994, qui a tenu quatre sessions au niveau des ministres des Affaires étrangères des deux pays avant de passer au niveau des chefs de gouvernement en 2010. Le suivi des accords de coopération et des décisions de la haute commission supérieure mixte est à la charge d'une autre commission de suivi et de coordination. D'autres mécanismes sectoriels spécialisés ont, également, vu le jour. C'est le cas de la commission militaire mixte, réunie pour la première fois en janvier 2015, de la commission commerciale mixte et du conseil tuniso-qatari des hommes d'affaires. En 2014, il y eut l'ouverture de trois bureaux de représentation au sein de l'Ambassade de Tunisie à Doha : un représentant l'Agence de promotion des investissements étrangers, un autre relevant de l'Agence nationale de l'emploi et du travail indépendant et un troisième pour l'Agence tunisienne de coopération technique. La coopération financière entre la Tunisie et le Qatar a dépassé la barre d'un milliard de dollars pour les trois dernières années, essentiellement sous forme de dons et de crédits sans intérêt, notamment pour financer des projets tels que la cité Omar El Mokhtar (810 logements) et le complexe à Sakiet Sidi Youssef (50 logements). D'autres aides ont été accordées pour encourager l'initiative privée chez les jeunes, à travers le Fonds d'amitié qatari (79 millions de dollars) qui a financé 300 projets créant 4.300 emplois, et pour financer des projets sociaux (5 écoles, 10 centres de santé, réfection de pistes agricoles, équipement de puits d'eau potable...), par le biais de l'Association qatarie de bienfaisance. Autre Fonds d'aide qatari, celui réservé aux blessés de la révolution qui a bénéficié d'un don de 20 millions de dollars en décembre 2012. A noter, enfin, que la précédente visite officielle de Béji Caïd Essebsi au Qatar remonte au mois de juillet de l'année 2011, en tant que chef du gouvernement de transition, mis en place quelques mois plus tôt (février 2011).