Des activités socioculturelles se tiennent jusqu'à aujourd'hui sur la « Place du souk du bon vieux temps». La ville de Tébourba vit depuis le week-end dernier des journées plus animées que d'habitude, égayées par une manifestation socioculturelle baptisée «la Place du souk du bon vieux temps» (1900-1970). L'événement qu'organise l'Association de sauvegarde de la ville de Tébourba fera le bonheur des habitants de céans, qui se poursuit jusqu'à aujourd'hui, se tient à Zaouiet Sidi Ben Aïssa (le marabout le plus célèbre de la cité), élu comme siège de ladite association. Le parfum du terroir La manifestation a fourni une occasion propice à la population autochtone d'un certain âge d'exhumer des souvenirs ineffables et sublimes d'enfance et de se replonger dans le passé bien différent d'aujourd'hui. Et aussi d'éveiller sa nostalgie pour une vie simple, naturelle et bio. Tout ce beau monde est en train de vivre une ambiance conviviale et sereine, au sein d'une société homogène, pacifique, constamment jalouse et fière de ses us et coutumes et, toujours, attachée à son train-train quotidien ancestral. Là, l'on exhale et l'on respire à pleins poumons les odeurs du fumier et le parfum du terroir, répandus au passage de chaque charrette, chargée de ces «sacro-saints» engrais. Et aussi au passage des ânes et des mulets, chargés de sacs d'olives embaumant l'air de leur parfum doux et suave. Et faisant «majestueusement» leur bonhomme de chemin vers les diverses huileries, ces grands poumons à travers lesquels respire la petite économie du village, les unités traditionnelles fourmillent d'ouvriers saisonniers pleins d'entrain et actifs comme des abeilles, scandant à l'unisson des chansons folkloriques puisées dans le riche répertoire ancestral de la profession... Au rythme saccadé... des chevaux... A Tébourba du bon vieux temps, comme d'ailleurs à Medjez El Bab, Mateur, Testour, Zaghouan, etc. l'on ne sent le bonheur de vivre que lorsqu'on s'abandonne au sommeil et l'on se réveille au rythme saccadé des sabots des chevaux et sur le fond sonore cacophonique retentissant des basses-cours des alentours. Où s'entremêlent les aboiements des chiens, les cocoricos et les gloussements des poules. Avec, en prime, les hennissements des juments et les hi-han intermittents des ânes et des ânons... Revenons à la fameuse place du souk, choisie comme thème de la manifestation qu'organise Tébourba aujourd'hui et qui lui fait revivre Tébourba d'hier...! Une plate-forme socioculturelle Cela dit, pourquoi ce choix? Eh bien parce que ces lieux étaient l'axe central autour duquel tournait la vie de la cité, le cœur battant du village et surtout une véritable plate-forme commerciale et socioculturelle. Les cafés qui bordent la place abritent les diverses manifestations culturelles et les spectacles musicaux et théâtraux, lorsque le mauvais temps empêche leur déroulement à ciel ouvert. Parmi ces cafés, brille de mille feux celui de Barbouche, où les grands noms régionaux de la poésie populaire se livrent à de passionnants concours de qualité. En se rendant à cette place, non seulement l'on remplit son couffin de légumes tous frais à petits frais et de produits du terroir, mais l'on s'offre aussi l'occasion de rencontrer tout le beau monde masculin du village. La tradition ayant voulu que ces lieux soient strictement interdits aux femelles. Et l'on s'y offre le petit plaisir de se délecter des potins du village... La figure la plus célèbre est celle du crieur public («El barrah») qui fait soigneusement office de radio locale. C'est lui qui annonce les décès et répercute les avis de pertes d'objets, promettant de fortes récompenses aux âmes bien nées (Ouled Lahlal). Et c'est encore lui qui communique à gorge déployée les rendez-vous des enchères publiques afférentes aux diverses transactions foncières et autres... Cependant, seuls les avis de mariage échappent au rôle de l'infatigable homme omniprésent. Parce que c'est au marié de le faire autrement et d'une manière faste... Sachant que tous les candidats au mariage doivent toujours s'exhiber solennellement sur la place, en superbes «jebbas» et chéchias dotées de «koubbita», signes éloquents de virilité! Ils défilent, en grande pompe, «solidement» escortés par leurs gardes rapprochées, deux ou trois amis intimes, fraîchement mariés, «promus et bombardés» «ministres conseillers» pour la circonstance. Pour l'assister et le guider dans sa "dakhla" et ses premiers pas intimes, tendant à briser la timidité de celle que le destin vient à peine, et encore sur le papier, d'unir pour le meilleur et pour le pire. En avant la musique! A l'arrière-plan, le cortège est suivi par une immense foule, formée de parents proches et lointains, d'amis, de collègues et, surtout, d'intrus et de badauds, étalant leur joie et leur exaltation, sous les airs tonitruants de la troupe musicale locale «Ennoujoum», conduite par le célèbre Boumaïza. Ou, pour les moins nantis, de l'inséparable duo folklorique, virtuose de la «tabla» et de la «zokra», grassement payé par les généreux invités, s'exhibant dans un bel élan de solidarité, pour brandir, à qui mieux mieux, des billets de banque, des montants de plus en plus élevés, «sur la tête» de l'illustre marié (cette contribution financière s'appelant «réchik», en plus d'une autre, dite «remou»). Une place à haute valeur symbolique Par ailleurs, ce qui mérite d'être souligné, c'est que cette place a une haute valeur symbolique. Ceci dans la mesure où elle a été le fief et le quartier général des combattants contre les colons français. C'est de ces lieux que les manifestations anticoloniales ont pris leur départ, sous la conduite de l'inlassable leader local, feu Ali Ben Khaled. Et c'est là aussi qu'ont défilé régulièrement les troupes scoutes. Celles-ci scandant des chansons patriotiques et lançant des slogans hostiles aux centaines de colons menant la belle vie à Tébourba... Ceci sous l'encadrement du militant scout de la première heure, le charismatique feu Caïd Ahmed Chaouch, qui a su mettre le feu aux poudres de la jeunesse de l'époque dans son opposition à l'occupation. La manifestation «La Place du Souk du bon vieux temps», qui a connu un grand succès populaire, s'est distinguée par une exposition d'images en noir et blanc retraçant l'histoire des lieux. Vivement les fonds ! Au final, il faut dire qu'à travers cette manifestation, Tébourba a en quelque sorte mené une révolte tranquille et fort sympathique contre l'état de sa place symbolique. Après avoir été un lieu rayonnant par les arts et la culture, elle est devenue, aujourd'hui, un vulgaire espace d'inculture, incolore... mais pas du tout inodore. Puisqu'elle répand les odeurs de l'ail et de l'oignon constamment. La place était convertie en un vulgaire marché de patates et de piments... Parce que la commune de céans est à court de fonds, lui permettant de reconstruire et restaurer son marché initial. L'on nous demande ainsi de faire appel à qui de droit pour que cette place puisse reconquérir son rang d'antan. Et que les légumes dégagent les lieux et reprennent leur place d'origine. Pour ce faire, vivement l'allocation de fonds !