La rue de Hollande en face de la cathédrale prend sa source à l'avenue Habib Bourguiba, elle abrite l'ambassade de France dont les murs occupent la moitié de la rue. L'hôtel La Maison dorée se situe de l'autre côté du trottoir en face de l'entrée du public, à quelques enjambées du Marché central. C'était une époque faste en activités culturelles, dans cette rue, pas loin de la gare, il y avait une jolie librairie au nom d'Alif, dynamique, faisant office de salle d'exposition et de lieu de rencontres. Ce fut un temps, où, de jour comme de nuit, en été comme en hiver, Tunis chantait et dansait. Dressée sur 4 étages dans un bâtiment de style colonial, La Maison dorée était gérée par une Française active et fort aimable avec son fils qui ne l'était pas moins ; les résidents de l'hôtel étaient à majorité français, la situation géographique près de la Médina, la bonne tenue de l'établissement, la qualité de l'accueil et le bouche-à-oreille ont donné à cette adresse une réputation dorée. Le décor de son restaurant qui donne sur la rue de Hollande est de bon goût, boiseries claires, atmosphère douce, des plats qui rappellent ceux des grands restaurants. Les Marguerites ne désemplissait pas à midi, sa clientèle était en majorité constituée du personnel de l'ambassade ; la salle a de l'allure, une assez belle carte courte et sobre, trois ou quatre plats cuisinés proposés chaque jour en plus des plats fixes ( le cuisinier s'approvisionnait au marché, ce qui atteste de la fraîcheur des produits), je me souviens d'une poêlée de pleurotes délicieuse, des fruits de mer, des charcuteries, des viandes, des légumes de choix et des plats cuisinés très corrects. Qu'est-ce qui me renvoie à ces souvenirs et me fait évoquer cette adresse et pourquoi ces jours-ci ? La mort le 21 mars dernier de Frédéric Mitterrand. L'homme illustre franco-tunisien passait une partie de l'année en Tunisie ; quand il n'était pas à Hammamet ou à Paris, c'est immanquablement à La Maison dorée à Tunis qu'il logeait, toujours à la même chambre du 2e étage. C'était le printemps, à l'heure du déjeuner, mon regretté ami Bady Ben Naceur, qui assurait le service Culture de La Presse, m'invite au restaurant de La Maison dorée, là où nous attend Frédéric Mitterrand. Fredo ( comme l'appellent ses amis du monde du spectacle) est de bonne compagnie, incontestablement courtois, bonne fourchette et des propos succulents, il bourdonnait d'idées et de projets, je lui ai fait part de mon admiration pour son court et poignant ouvrage « Lettres d'amour en Somalie », il a apprécié, nous nous sommes revus deux fois à Tunis, une autre fois à Paris où on a pris un café Paris, après une rencontre tuniso-française à la Chambre du commerce et d'industrie de Paris. Il y a une dizaine d'années, j'ai écrit un article sur La Maison dorée, j'ai suggéré au fils qui, sa mère décédée, a pris les rênes de l'hôtel d'apposer le nom de Mitterrand sur la porte de sa chambre favorite « Les temps ont changé, les clients aussi, le soir, autour de l'hôtel, la fumée de la chicha monte jusqu'aux chambres, aujourd'hui tout le monde s'en fout des détails dans un hôtel, merci pour vôtre aimable proposition... ». Aujourd'hui, le bâtiment est en restauration, cela fait des années, m'apprend-on que l'hôtel a fermé, une banque de la place a acheté l'immeuble.