Depuis janvier 2016, près de 2.000 dossiers ont été déposés auprès de l'Instance nationale de lutte contre la corruption, dont 1.136 plaintes directes et 801 dossiers remis par la présidence du gouvernement. Alors que 106 dossiers ont été instruits auprès de la justice. Le président de l'Instance, Chawki Tabib, appelle à l'organisation d'une conférence nationale sur la lutte contre la corruption Me Chawki Tabib a donné, hier matin, au siège de son département à Tunis, une conférence de presse consacrée à la présentation du rapport d'activité semestriel de l'Instance, huit mois après sa nomination par M. Habib Essid, ancien chef du gouvernement. Couvrant la période allant du 15 janvier au 15 août 2016, ce rapport n'est, en fait, qu'un compte rendu périodique qui s'insère dans le cadre des prérogatives de l'Instance comme le stipule le décret 120-2011 l'organisant. Certes, le parcours semble truffé de difficultés et d'embûches, l'Instance n'ayant même pas les moyens d'une bonne gestion. N'empêche, Me Tabib est parvenu à réaliser, en un si peu de temps, ce que ses deux prédécesseurs, feu Abdelfattah Amor et le juriste Samir Annabi, n'ont pu faire en cinq ans. De facto, c'est à défaut des moyens financiers et logistiques qu'on n'arrive pas, jusque-là, à remettre les pendules à l'heure. «D'emblée, on a trouvé l'Instance dans un état qui laisse à désirer, disposant d'un budget dérisoire réduit à quelque 312 mille dinars...», avoue-t-il. Soit une bagatelle qui ne couvrait même pas les frais du loyer. L'Instance s'est trouvée, alors, quasiment handicapée. Et son président n'y va pas par quatre chemins pour dénoncer l'absence d'une volonté politique susceptible de prendre les choses en main. Depuis 2011, date à laquelle la commission d'investigation sur la corruption et la malversation avait vu le jour, au lendemain de la chute de Ben Ali, on a trop parlé, mais aucun gouvernement n'a eu le courage de mettre à nu la vérité des faits. Une charge supplémentaire Ainsi, Me Tabib a hérité des milliers de dossiers non résolus. Une charge supplémentaire qui vient s'ajouter à la sienne, déjà, assez lourde. En 2015, statistiques à l'appui, ladite instance a réceptionné plus de dix mille dossiers et requêtes dont 8.667 ont été étudiés, 625 déjà en cours et 756 encore en souffrance. Depuis janvier 2016, près de 2.000 dossiers ont été déposés auprès de l'Instance dont 1136 plaintes directes et 801 dossiers remis par la présidence du gouvernement. Alors que 106 dossiers ont été instruits auprès de la justice, à coups d'accusations contre les structures de l'Etat (ministères de la Santé, des Finances, de l'Intérieur, de l'Enseignement supérieur, Tourisme...) et certaines entreprises publiques (Sonede, Steg, Caisses sociales...). Sans pour autant oublier les 459 affaires qui traînent encore depuis la commission de M. Abdelfatah Amor. Et les difficultés sont d'autant plus énormes que la bonne gestion a besoin du temps et assez d'argent. Face à ces conditions de travail déplorables, note-t-il encore, l'ancien chef du gouvernement est venu à sa rescousse, afin de renflouer les caisses presque vides. Il y a injecté un milliard sept cent mille dinars en guise de ressources additionnelles, précise-t-il. Mais, un tel appui gouvernemental semble, à lui seul, insuffisant, fait-il encore remarquer. A ce niveau, le cas de l'Isie et l'IVD a été, ici, fort évoqué. L'Inlucc s'est, donc, tournée vers l'aide étrangère, le Pnud, la GIZ et l'agence coréenne, comme partenaires stratégiques, en témoignent. Et ce n'est pas tout, le besoin d'avoir de nouveaux bureaux régionaux se fait de plus en plus sentir. L'Instance vient d'ouvrir un bureau régional à Sfax. D'autres représentations sont envisagées à Sousse, au Kef, à Kasserine et à Sidi Bouzid. Outre le numéro vert (80.10.22.22), une plateforme numérique vient d'être mise en place, dans le but de faciliter la gestion des dossiers, mais aussi de garantir la sécurité d'enquête et assurer la protection des témoins et dénonciateurs. Le volet sensibilisation s'avère essentiel. Aux côté de l'Etat, le citoyen devrait, lui aussi, s'y impliquer davantage, afin d'aider à décrier les cas de corruption. Il suffit, selon des statistiques, d'admettre que 71% des personnes interrogées affirment que l'implication positive du citoyen peut faire la différence. Devant un phénomène qui chaque jour gagne du terrain, on est tous responsables, estime-t-il. On est, désormais, en état de guerre déclarée sur trois fronts : terrorisme, contrebande et corruption. Le président de l'Inlucc le qualifie ainsi de triangle des maux ravageurs de la société tunisienne. Il a appelé à l'organisation d'une conférence nationale sur la lutte contre la corruption. Seule cette stratégie saura, estime-t-il, changer la donne et faire gagner la bataille contre la corruption.