On attendait le grand pianiste japonais Yosuke Yamashita sur la scène du Théâtre municipal de Tunis, vendredi soir. Et l'on eut du… très grand pianiste japonais, qui jouait de son instrument comme on galope les cheveux au vent, entraînant sa monture en des cavalcades débridées et pleines de couleurs et achevant sa course en une douceur délicieuse. Entre chaque morceau, il se présentait au public, un large sourire aux lèvres, disait quelques mots : " Merci, Chokr'an ", puis enchaînait en anglais en invitant son auditoire bluffé et acquis à découvrir (enjoy) le morceau suivant. Il s'agit de reprises très libres d'airs populaires issus de la tradition japonaise, en particulier du répertoire des chansons enfantines, mais aussi de grands classiques du jazz comme le bien nommé " A night in Tunisia " de Dizzy Gillespie ou de ballets comme le Boléro de Ravel… Du haut de ses 68 ans, ce bonhomme de taille tout au plus moyenne déploie sur son piano une puissance qui est sans doute ce dont il a pleinement besoin pour faire que des morceaux de légende se fracassent sous ses doigts agiles et resurgissent comme de nouveaux rêves, pleins d'audace et d'entrain. Mais le spectacle d'avant-hier, à l'initiative conjointe du festival de la Médina et de l'ambassade du Japon, comportait une partie au cours de laquelle le public a eu droit à une sorte de dialogue musical entre le pianiste japonais et les deux artistes tunisiens Walid Gharbi, violoniste, et Hatem Ammous, percussionniste. La plasticité du jazz se prête sans doute à des rapprochements entre traditions musicales. L'entrée de Walid Gharbi, jouant du rabeb, avait introduit une coupure dans l'atmosphère sonore. Coupure confirmée ensuite par un jeu de percussion si typiquement de chez nous et, soit dit en passant, d'un niveau assez remarquable. Mais le piano suivait discrètement et, petit à petit, se mêlait de façon plus franche, alternant l'accompagnement et les sorties libres… Selon les morceaux qui se sont succédé, leur origine japonaise ou tunisienne, le rôle de l'accompagnement revenait ou au pianiste ou au couple de musiciens tunisiens mais, à vrai dire, la complicité était telle qu'il était bien difficile de distinguer qui accompagnait et qui était accompagné… Bref, une musique faite amitié : on en redemande !