Par Mohamed Habib SALAMOUNA* La Tunisie ressemble plus que jamais à un «homme malade» étendu depuis six ans sur un lit d'hôpital public et opéré sans succès par plusieurs chirurgiens dont les avis divergent considérablement La nouvelle équipe gouvernementale, chapeautée par M. Youssef Chahed fera-t-elle mieux que les autres «chirurgien»? Oui, pourvu qu'on la laisse travailler et qu'on lui évite les tiraillements qui caractérisent la scène politique post-révolutionnaire ! Bref, pourvu qu'on «l'oublie un peu» ! Ce qui ne manque pas d'étonner, c'est que notre intelligentsia policarde n'a pas encore compris que la crise dans laquelle se débat notre pays depuis la «Révolution du jasmin» est essentiellement politique. Les soi-disant politologues, qui hantent les plateaux télé pour distiller leurs discours creux et démagogiques, soutiennent mordicus que des «technocrates indépendants» (binationaux de surcroît !) seraient en mesure de redresser la barre. La belle affaire ! Les ministres de Ben Ali n'étaient-ils pas, à quelques exceptions près, des «technocrates», des experts confirmés? En fait, notre problème principal n'est pas d'aller sur Mars, mais de dénouer une crise politique qui s'éternise, provoquant une crise économique et sociale sans précédent. A l'origine de cette crise politique endémique, il y a les «leaders» des partis politiques qui sont atteints d'une «maladies infantile» (selon l'expression de Lénine) appelée le nombrilisme politique ou la manie du leadership. Au lieu de se rassembler en un seul bloc politique (progressiste ou conservateur, peu importe !), ces «leaders négatifs» cherchent chape-chute et se complaisent dans une attitude hostile à tout compromis (sauf intéressé et provisoire !). Trop idéalistes ou trop pragmatiques, dépourvus du sens du patriotisme ou du sens commun tout court, ces «roitelets» se tirent dessus (par médias interposés) dès la première occasion, faisant régner une atmosphère délétère, faite de micmac, de surenchère et d'instabilité. «Toutes les guéguerres ont pris fin, excepté celle-là !», disait feu Salah Khémissi dans le refrain de sa célèbre chanson. Force est de constater que le bon peuple en a ras-le-bol d'assister à un sempiternel «combat de coqs» entre ces petits «raïs» prétentieux (ils se prennent pour des leaders-nés parce qu'ils ont une allure chic et une faconde étourdissante !), hypocrites (car ils ne cessent de réclamer «l'union sacrée», alors qu'ils sont incapables de se ranger sous la même bannière !) et avides de pouvoir (une fois qu'on leur accorde un maroquin, ils ferment les yeux et font la sourde oreille aux revendications populaires !). Pour contenter ces soi-disant «leaders», on devrait créer pas moins de soixante nouveaux ministères ! Assurément, le gouvernement sortant a trébuché parce qu'il manquait de cohésion, parce qu'il s'est empêtré dans les filets partisans en voulant «contenter tout le monde et son père». Espérons que M. Youssef Chahed (notre Justin Trudeau national !) fasse mieux que M. Habib Essid (notre «Sisyphe tunisien» !), qu'il prenne les mesures qui s'imposent (quitte à essuyer la colère des «chefs de l'opposition») pour ne pas laisser pourrir la situation et qu'il place l'intérêt national au-dessus de toute autre considération. «La patrie avant les partis», disait, à juste titre, le président de la République. A bon entendeur, salut !