M. Youssef Chahed consulte à tour de bras pour la formation du nouveau gouvernement d'union nationale. Mais il n'est pas le seul à le faire. Les partis politiques de la place ne sont pas en reste. Ils mettent la pression. Histoire de s'assurer une part du butin. Parce que, malheureusement, aux yeux de maints politiciens, on se distribue les ministères, ou on se les arrache, comme on se dispute un butin de guerre. Aux dernières nouvelles, Nida Tounès convoite une bonne dizaine de portefeuilles ministériels. On a dressé déjà une liste de ministrables et cela crée même des frictions et rivalités au sein du parti. Ennahdha en voudrait juste un peu moins. Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, l'a dit clairement : «La répartition des charges ministérielles devra prendre en considération les résultats des élections législatives». En somme, une bonne vingtaine de portefeuilles ministériels sont convoités par le tandem Ennahdha-Nida. Ajoutons-y les portefeuilles à attribuer à l'UPL, Afek Tounes, Al Moubadara, Al Joumhouri et, le cas échéant, à Al Massar et au mouvement Echaab, et la boucle est bouclée. Nous aurions ainsi une bonne trentaine de ministres avec casquette partisane ! Il faudrait comptabiliser aussi les vrais techniciens, les technocrates et les immanquables universitaires. Et l'on atteindrait facilement un gouvernement d'une quarantaine de ministres et des poussières. Ce que la Tunisie ne saurait en aucun cas supporter. D'abord quantitativement. En effet, il faudrait plutôt penser à réduire le nombre des ministères et les regrouper sous des casquettes fédératrices. D'ailleurs, le dialogue ayant présidé à la formation du gouvernement d'union nationale devait traiter de la restructuration du gouvernement. Le principe en a du moins été admis. Qualitativement, il y a risque de se retrouver dans l'impasse. En effet, l'appartenance partisane ne signifie guère l'expertise. Et même la bonne expertise ne signifie guère la réussite ministérielle. L'alchimie de la politique est beaucoup plus subtile. Ses arcanes aussi. M. Youssef Chahed fait face à un choix cornélien. L'étau se resserre autour de lui. Doit-il supporter le diktat et les caprices des partis ou devrait-il faire fi et en imposer avec la nomination de personnalités en majorité non partisane? Il est vrai que son gouvernement devra obtenir un vote d'investiture du Parlement. C'est-à-dire des partis. Mais un bon dosage des charges ministérielles saurait contenter les uns et les autres, tout en lui donnant les moyens de sa politique. Et puis nous vivons en plein paradoxe. Lors de son investiture, le 5 février 2015, le gouvernement quadripartite de Habib Essid avait obtenu 167 voix pour, 30 contre et 8 abstentions. Il a été destitué dix-huit mois plus tard en n'obtenant que trois voix sur les 191 députés présents. Et bien qu'il soit baptisé gouvernement d'union nationale, le gouvernement de Youssef Chahed ne pourrait guère aspirer à plus de 120 voix environ. En fait, en politique, le romantisme ne mène qu'à des bêtises.