Par Jawhar CHATTY «En ce matin un peu pluvieux et après un réveil géopolitique inattendu, l'axe Paris-Tunis est la très bonne nouvelle de la journée», écrivait hier à chaud l'ambassadeur de France en Tunisie au moment même où le chef du gouvernement Youssef Chahed venait d'atterrir à Paris pour une visite officielle de deux jours. « Le réveil géostratégique » renvoie, on l'aura compris , à l'onde de choc qu'avait dans la matinée suscitée un peu partout dans le monde l'élection de Donald Trump à la tête de la première puissance mondiale. D'ailleurs, la grande vague d'étonnement que cette nouvelle réalité avait provoquée n'avait d'égale que le flot de superlatifs aussi apocalyptiques les uns que les autres et qui tous laissaient suggérer le déluge ! Tsunami, saut dans l'inconnu, tremblement de terre géopolitique, bref, à entendre nombre de réactions relayées par les médias internationaux, rien ne sera plus comme avant. Peut-être bien mais il est encore trop tôt pour pouvoir trancher. Il faudrait donc savoir rester lucide et prudent, relativiser surtout l'ampleur et la portée de ce « tsunami». Les discours enflammés de la campagne électorale sont une chose, tout autre est l'exercice du pouvoir. Il y a à ce titre fort à parier que le président Trump sera amené à mettre de l'eau dans son vin, face notamment à la Chine et à un degré moindre face à la Russie de Poutine. Ce que l'on peut en revanche relever sans risque de se tromper est le fait que le résultat de l'élection présidentielle américaine a signé le discrédit des institutions de sondage, des lobbys, des médias et des faiseurs d'opinion qui dans leur écrasante majorité ont misé sur Clinton et l'ont soutenue. Ce résultat aura à cet égard été un cinglant rappel que dans une démocratie la décision finale revient toujours au peuple et qu'une telle démocratie sera toujours et en toute circonstance fidèle à ses valeurs fondatrices, soucieuse de la liberté, de la paix et des droits de l'Homme. C'est sans doute à cette lumière qu'il sied d'apprécier les perspectives d'évolution des relations tuniso-américaines. Entre la jeune démocratie en devenir qu'est la Tunisie et la grande démocratie que sont les Etats-Unis d'Amérique, il y a, au-delà du partenariat stratégique, un réel et mutuel attachement à cette communauté de valeurs démocratiques. Il nous appartient toutefois de savoir positivement et intelligemment interagir avec la nouvelle réalité américaine, de rester lucide et pragmatique en se souvenant que bien plus que l'amitié, ce sont les intérêts qui régissent les relations entre les pays. «L'âme américaine est dure, solitaire, stoïque : c'est une tueuse», écrit le romancier américain T.C. Boyle. Une Amérique sûre de son fait, qui n'est pas sans rappeler celle dont Donald Trump flatte les pulsions dans sa campagne électorale. Là aussi, il faudra sans doute savoir relativiser.