Depuis son installation, il y a, à peine deux ans, l'Instance vérité et dignité (IVD) continue à être la cible de critiques virulentes de part et d'autre. Sa présidente, Sihem Ben Sedrine, dont l'élection a été controversée, se dit être en guerre contre la société civile qui, elle aussi, fait la fine bouche. Et il ne se passe pas un jour sans que la question de la justice transitionnelle ne soit remise en cause. Son processus à mi-parcours a fait, dernièrement, l'objet d'un congrès national à Tunis, au cours duquel maître Amor Safraoui, président de la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle (Cnijt), avait tiré à boulets rouges, faisant croire que l'échec de Ben Sedrine n'est plus à démontrer. A coups de démissions et de révocations, tout a été, selon lui, contre-productif. Cela fait état de la réalité d'une justice transitionnelle à la tunisienne, loin d'être dans la transparence requise. C'est ainsi que, avant-hier, un collectif d'associations s'est insurgé contre la vacance de postes au sein de l'IVD, une transgression flagrante de la loi 53 l‘organisant, au vu et au su du pouvoir législatif en place. C'est pourquoi, seize organisations civiles viennent d'interpeller l'ARP, l'exhortant à accélérer l'élection, sans délai, de nouveau membres au sein de l'Instance. Combler un tel vide juridique fait aussi partie d'une série de recommandations du collectif précité. L'objectif est de conférer au mécanisme de la justice transitionnelle plus de confiance et de crédibilité. Sa légitimité tire ses lettres de noblesse de la vérité établie comme devoir de mémoire, mais aussi de la manière de peser le pour et le contre. A ce niveau, ces associations expriment, dans un communiqué récent, leurs vives préoccupations : «Nous craignons, aujourd'hui, que le processus de justice transitionnelle n'aboutisse pas à ses objectifs de révélation de la vérité, de réparation pour les victimes, de recevabilité des auteurs et de garanties de non-répétition...». Encore du pain sur la planche La loi organique 53, promulguée le 24 décembre 2013, relative à l'instauration de la justice transitionnelle a déjà prévu la création de l'IVD, en tant que structure qui doit œuvrer à l'unisson. Cette même loi prévoit également qu'une telle instance soit composée de 15 membres et que le quorum requis pour la tenue des réunions et la prise de décisions soit des deux tiers de ses membres. Or, cette loi n'a pas été respectée. Depuis le mois écoulé, lit-on encore, l'IVD ne fonctionne qu'avec neuf de ses membres, soit moins des 2/3 exigés. « Ce qui constitue un obstacle majeur au déroulement des travaux de l'Instance et à la possibilité pour celle-ci d'accomplir sa mission...», prévient le collectif associatif. Maintenant, il ne lui reste que dix-huit mois ou presque. Bien qu'elle soit arrivée, ces jours-ci, à tenir des audiences publiques, l'Instance de Ben Sedrine a encore du pain sur la planche. L'ARP est appelée à apporter tout son soutien à ce processus régi par la constitution. Par conséquent, elle doit s'acquitter de ses obligations, en élisant tous les membres manquants de l'IVD. Les signataires lui ont fait porter toute la responsabilité, en tenant compte des critères imposés par la loi de la justice transitionnelle. Il est question de garantir la compétence des candidats et de leur intégrité effective, d'assurer l'équilibre requis entre les deux sexes et de leur motivation à travailler collégialement au sein de l'IVD. Pour eux, l'ARP ne peut aujourd'hui que s'assumer. A noter que cet appel est lancé par un certain nombre d'associations actives sur le terrain, à savoir le Ftdes, la Ltdh, la Cnijt, Al Karama, Al Bawsala, l'Association de défense des libertés individuelles, l'Association des magistrats tunisiens, Avocats sans frontières, le Réseau Euro-med des droits de l'Homme, l'Organisations mondiale et nationale contre la torture, Human Rights Watch, la Fédération internationale des droits de l'Homme.