Au moment où nous mettions sous presse hier, le contrat de mariage liant la mineure de treize ans enceinte de trois mois et son « agresseur sexuel » était encore valide. Le ministère public du Kef avait pourtant déposé dans la journée une demande d'annulation de l'autorisation de mariage auprès du tribunal de première instance du Kef, dont un des juges l'avait précédemment octroyée à la demande des deux familles pour marier leurs enfants. « Le ministère public se doit de réagir ainsi parce qu'il est concerné par la chose publique et par les positions de la société civile, dont les organisations des droits de l'Homme, et des médias », indique à La Presse M. Chokri Mejri, procureur de la République du Kef. Un collectif d'organisations de la société civile avait, en effet, appelé, hier, à l'annulation de la décision de justice autorisant le mariage de la fille mineure avec son agresseur, ainsi que l'abrogation de l'article 227 bis du code pénal et l'annulation du paragraphe énonçant le mariage de la mineure avec son agresseur pour arrêter les poursuites ou les effets de la condamnation. Ces organisations ont, également, souligné l'impératif de protéger la victime psychologiquement et socialement, et de garantir la poursuite de son éducation. Pour le procureur du Kef, ce mouvement citoyen « ne signifie pas que l'autorisation du mariage était initialement illégale, au contraire, le juge a rendu son verdict en fonction de la législation en vigueur », a-t-il précisé. En outre, une telle décision peut aussi s'expliquer par l'absence ou le manque de structures d'accueil pour ce genre de femmes en détresse comme c'est le cas des mères célibataires. Le verdict prononcé dans le cas de la mineure du Kef a donc favorisé l'intégration de la jeune fille dans sa famille, d'autant que celle-ci et celle de l'agresseur ont exprimé leur souhait de prendre en charge également le bébé à sa naissance. Le dernier mot revient au juge de la famille Qu'en sera-t-il alors du contrat de mariage si le ministère public obtient gain de cause ? « Le contrat deviendra nul et non avenu », explique encore M. Mejri à La Presse. Qui a l'autorité juridique de le déclarer comme tel ? « La partie publique a, dans une première étape, déposé une demande d'annulation de l'autorisation de mariage auprès du président du tribunal du Kef, puis, dans une deuxième phase, elle s'adressera au juge du statut personnel, c'est-à-dire au juge de la famille, seul habilité à annuler le contrat de mariage », ajoute-t-il. L'objectif du ministère public, selon le procureur du Kef, « est, in fine, la défense des droits de l'enfant et de la société, ce pourquoi nous adhérons à l'idée de l'amendement du texte de l'article 227 bis, voire son annulation. Ce changement se base sur l'élévation de l'âge de la différenciation (« Attamyize ») de 13 à 16 ans et sur l'adoption systématique de la sanction pénale contre tout agresseur sexuel dont la victime serait âgée de moins de 16 ans, à savoir la peine de mort ou l'emprisonnement à vie ». Un projet d'amendement dans ce sens devra pour cela être proposé à l'ARP par le gouvernement, en l'occurrence par le ministre de la Justice ou la ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfant, ou encore par la société civile. A ce propos, un projet de texte aurait, déjà, été déposé au parlement par l'élue Bochra Ben Hamida, elle-même membre de l'Association tunisienne des femmes démocrates.