IL y a des chiffres qui claquent comme un manifeste silencieux. 2 325.443 élèves reprennent aujourd'hui 15 septembre le chemin des bancs de l'école. Une marée humaine de cartables, de cahiers et d'espérances. Dans ce flux, 61.000 enfants du préscolaire, petits pas encore hésitants, croisent les regards de 1 161.638 écoliers du primaire, tandis que 570.655 collégiens et 532.150 lycéens poursuivent leur quête du savoir. Une Tunisie entière se remet en marche grâce à ses enfants. Et derrière cette armée pacifique de pupitres et de tableaux noirs, 160.000 enseignants se tiennent droits, vigies patientes d'un navire qui doit continuer d'avancer, malgré les vents contraires. La rentrée n'est pas seulement un rituel calendaire. Elle est, chaque année, une promesse recommencée : celle que la République tunisienne renouvelle envers sa jeunesse, celle d'un avenir qui s'écrit à la craie avant de se graver dans les faits. Ainsi l'Etat n'a pas ménagé ses efforts pour que ce rendez-vous avec l'avenir ne soit pas manqué. Plus de 480 millions de dinars ont été mobilisés: nouveaux établissements, réhabilitation de 231 écoles, installation de 31 salles préfabriquées, clôtures, caméras de surveillance – 590 établissements sécurisés, dont 90 grâce à la société civile. Voilà des chiffres qui traduisent une volonté : protéger, équiper, préparer. Et parce que le XXIe siècle s'écrit aussi en langage numérique, 2.260 laboratoires mobiles, près de 29 380 ordinateurs portables, 17.585 ordinateurs de bureau, 4.600 photocopieurs et 4.500 imprimantes multifonctions font désormais partie du paysage scolaire. Une révolution silencieuse qui, si elle est accompagnée par la pédagogie, pourra ouvrir à des milliers d'élèves les portes d'un monde où la compétence l'emporte sur l'héritage. Certes, les défis demeurent : les inégalités régionales, la pression démographique, la tentation du décrochage. Mais comment ne pas voir dans ces 85.000 nouveaux mobiliers scolaires et ces 5.700 salles équipées les signes tangibles d'un effort national pour que l'école demeure ce sanctuaire où se forge la conscience citoyenne ? Cette rentrée, plus qu'une rentrée, est un déménagement mental. Une migration collective vers une Tunisie qui se veut lucide sur ses failles mais confiante en ses forces. La jeunesse qui franchit aujourd'hui le seuil des 6.164 établissements scolaires ne transporte pas seulement des cahiers; elle porte l'avenir d'un pays qui croit toujours aux promesses d'une révolution inachevée. L'école est le socle de la souveraineté certes, mais elle est aussi l'antidote aux tentacules de la corruption. Ne perdons pas cela de vue.