Finalement, ces produits hors du commun et dont la matière première coûte des sommes dérisoires, — soit entre 500 millimes et un dinar la pièce —, commencent à s'imposer A Kasserine, la ville que boudent la plupart des grands investisseurs pour son infrastructure défaillante, une petite entreprise a vu le jour il y a deux ans. Il s'agit d'un projet de fabrication de meubles et d'accessoires de décoration à partir de pneus usés ! L'idée semble impensable, voire grotesque pour les plus conservateurs. Pour Farouk Aïchaoui, c'est la poule aux œufs d'or, l'idée de génie, une véritable révolution en matière de décoration et de design qui convertit un déchet noir et caoutchouté en une œuvre d'art et dont l'utilité est confirmée. Ce jeune entrepreneur kasserinois a eu le courage, l'intelligence et la persévérance, deux ans auparavant, de monter un projet en solo. L'idée étant de collecter des pneus usés, lesquels constituent des déchets sans valeur aucune, pour les transformer en des poufs, des chaises, des salons et des objets de décoration originaux, notamment des miroirs, des lustres, des bacs à fleurs haut en couleur. Défendre son idée, son produit «Au commencement, il a fallu que je mise sur la communication pour convaincre les éventuels clients d'opter pour mes produits. Certains avaient la ferme conviction que les pneus sont inévitablement des produits polluants voire puants. Or, il n'en est rien. Dans les pays occidentaux, ces produits sont bien demandés. En Tunisie, cependant, ils sont nouveaux, et comme toute nouveauté, il faudrait la présenter, la défendre, la promouvoir et la vanter pour la faire accepter», souligne-t-il. Et d'ajouter que la participation à de nombreuses foires nationales et régionales, comme les foires tenues au Palais des expositions du Kram, au Palais des expositions de la Charguia, à la foire régionale de Kasserine et tant d'autres encore, lui a permis de franchir des pas notables en matière de promotion de ses créations. En effet, les visiteurs des foires découvrent, non sans étonnement ni émerveillement, des poufs arrondis, recouverts de tissus très tendance et autres, traditionnels comme le «margoum» et le «klim» kasserinois. Farouk tient plus que tout à imprégner ses créations de touches typiques de la région en y introduisant des matières premières du terroir comme la «halfa». Aussi, les pneus semblent être dénaturés, délestés qu'ils sont de leur essence purement industrielle pour revêtir des «costumes» typiquement tunisiens. «Certains s'interrogent sur la durabilité et la résistance des meubles à base de pneus usés. Il m'est arrivé de jeter du haut d'un étage des chaises conventionnelles et autres, fabriquées à partir des pneus ; une démonstration qui finit toujours par convaincre les plus sceptiques», avoue-t-il. S'agissant des pneus convertis en bacs à fleurs, ils sont généralement peints en couleurs, conformément aux exigences des clients. Bonjour les commandes ! Finalement, ces produits hors du commun et dont la matière première coûte des sommes dérisoires, — soit entre 500 millimes et un dinar la pièce —, commencent à s'imposer. Farouk, dont l'entreprise compte désormais une couturière et deux designers, se réjouit d'avoir conçu la décoration intégrale d'une terrasse d'un salon de thé de la région. Il s'apprête, de surcroît, à changer la conception de la décoration d'intérieur du même salon de thé afin qu'elle traduise ce concept nouveau. D'autres commandes sont fréquemment passées pour introduire ces créations dans le décor, notamment dans les jardins, dans les restaurants, dans les cafés et même dans les jardins des espaces pour enfants. «Pour le moment, je préfère recevoir de petites commandes, vu le nombre limité de l'effectif dont je dispose. Cela dit, je continue à diversifier ma production et promouvoir ce concept afin qu'il soit admis dans les foyers tunisiens. Mon nouveau défi consiste, en effet, à concevoir une salle à manger hors-pair», indique-t-il, motivé. A partir de quelques pneus usés, achetés auprès des spécialistes des pneus, ce jeune Kasserinois a créé sa propre entreprise. Il a, jusqu'à nos jours, offert la possibilité d'accéder au marché de l'emploi à trois personnes de sa région. Manifestement, rien ne peut freiner la ferveur de la jeunesse. Pour les grands investisseurs, qui disposent pourtant de moyens colossaux pour transformer les régions défavorisées en des pôles industriels et dont la volonté trébuche, hélas, au moindre obstacle, voici une leçon à tirer...