L'immersion au cœur de cette manifestation fut trépidante, brutale... Comme chaque année, à la 3e semaine du mois de mars, l'activité théâtrale atteint son apogée. Gouvernorats, délégations, villes et Tunis regorgent de spectacles scéniques divers et variés. Une manière de fêter le 4e art, à l'aube du 27 mars. Pour la 16e édition du «festival 24h théâtre non-stop», célébrée au Kef, spectateurs et férus d'art étaient au rendez-vous. Au gré des heures, l'immersion au cœur de cette manifestation fut trépidante, brutale... L'effervescence participative et l'engouement débordant des spectateurs planent au Centre des arts dramatiques et scéniques du Kef. Des spectacles à n'en plus finir, dispatchés en plein air, et dans les salles existantes sur place. Des espaces dotés d'une bonne capacité d'accueil mais dont les moyens techniques laissent parfois à désirer. La réactivité des artistes désireux de réussir cette édition se fait sentir : ces derniers s'obstinent, en effet, à remédier aux nombreux problèmes techniques auxquels ils ont dû faire face, avec l'aide des organisateurs. Au terme de cette manifestation, plus de 40 spectacles, tunisiens et étrangers, de théâtre, de danse ou de musique, soit l‘intégralité du programme, se sont totalement déroulés... dans de bonnes ou de mauvaises conditions ? Le constat final demeure mitigé. «Les 24h de théâtre non-stop» ont été précédées de pas moins de 5 jours d'ateliers, d'animations pour enfants et jeunes. Des activités ont pullulé dans les environs du centre-ville du Kef, notamment dans les écoles primaires situées à la frontière tuniso-algérienne, mais aussi dans les quartiers défavorisés de la ville : de l'art participatif s'est emparé des espaces publics, là où les Tunisiens marginalisés n'ont jamais été confrontés d'aussi près à la culture et aux arts, y compris au sein des établissements scolaires de Kalaât Snène, de Sakiet Sidi Youssef, mais aussi «la cour des arts», ou les quartiers Barnoussa ou Ahmed-Cherichi, les maisons de la culture et les sites archéologiques étaient aussi en fête. Sans oublier les lieux de résidence abritant seniors malades, handicapés ou prisonniers qui ont pu également bénéficier de cette manifestation. Une initiative de taille à saluer, qui a reçu l'accueil escompté des habitants. Parents, enfants et jeunes de la ville sont reconnaissants, éblouis face à une telle déferlante artistique, qui a profondément secoué leur quotidien, de près ou de loin. L'activité fut un succès et a eu un impact considérable sur les citoyens. Ces derniers n'ont pas manqué de faire le déplacement pour vivre pleinement le théâtre durant 24h sans arrêt, au Centre des arts dramatiques et scéniques de la ville, et ce, à partir du 25 mars. 24h, pour ne pas dire une trentaine d'heures, voire plus... Ateliers de marionnettes et de dessins pour enfants, musiques du monde, danse et one man shows, entre autres, drainaient sans cesse du monde, pour la plupart des jeunes entre 13 et 35 ans. Après une série de tables rondes, telle celle sur «l'usage et l'apport de la technologie dans le théâtre», animée par Kamel Abed, l'échange a été ponctué d'interventions du metteur en scène Anouar Chaafi et de l'universitaire irakien Riadh Chahid Al Baahli. L'écrivain et réalisateur libyen Ahmed Ibrahim Hassan a décortiqué la dramaturgie, suivi par le Pr Mondher Chafra qui a traité «de l'esthétique de la réception dans le théâtre contemporain», toujours devant un parterre d'étudiants en théâtre et en lettres présents sur place et d'une poignée d'artistes. Un temps de réflexion, avant le démarrage en musique des festivités qui a eu lieu dans l'après-midi du 25 mars, avec le spectacle «Takhmira», suivi en théâtre par Cyrine Gannoun, qui ouvre le bal avec «Le radeau»... Le lendemain, la compagnie italienne «Teatro Due Mondo» a effectué son show au centre mais aussi dans les rues avoisinantes. Un succès ! Sous la houlette du Centre des arts dramatiques et scéniques du Kef en collaboration avec sa délégation régionale, le ministre de la Culture, Mohamed Zine el Abidine, a été convié, ce jour-là, afin d'inaugurer les festivités. La programmation reposait essentiellement sur un nombre restreint de spectacles étrangers, pour la plupart arabes, venus de Jordanie, de Libye, de Syrie, d'Algérie, d'Irak, d'Italie mais aussi d'Allemagne. Le reste de la programmation était constitué de spectacles inédits pour la plupart, qui ne manquent pas de panache, montés par des étudiants des écoles et des instituts de théâtre. Les professionnels, par contre, étaient au rendez-vous avec des spectacles dans leur majorité vus et revus... Une aubaine pour ceux et celles qui n'ont pas eu la chance de les découvrir. «Fausse couche» de Nejib Khalfallah, «Les rapaces» de Hamadi Mezzi, «Don Quichotte, Nether World» de Walid Daghsni mais aussi «Le fou» de Taoufik Jebali, «Or not to be» d'Anouar Chaafi et «Kourda» d'Abdelfattah Kamel, etc. Des spectacles considérés comme «une leçon théâtrale», selon une poignée d'étudiants en théâtre. Le one man show de Mahdi Mahjoub «Karr we Farr» a fait sensation : ce dernier s'est exprimé positivement sur sa participation à cette manifestation. Une succession de spectacles à n'en plus finir ont fait le bonheur des participants. Mais plus le temps s'écoule, plus le festival s'effrite, car comme à l'accoutumée, la mauvaise organisation a fini par prendre le dessus... Vente et négociations de badges au noir ont permis à un nombre considérable d'intrus de semer le trouble. Altercations et bagarres ont attisé quelques tensions, rapidement maîtrisées grâce à la vigilance du corps sécuritaire présent sur place. Un désagrément quand on sait que ces mêmes «fauteurs de troubles» ne désiraient qu'une chose : assister aux spectacles de la manifestation. Ils l'expriment et le disent ouvertement : «On n'a pas les moyens, ni le relationnel pour se permettre d'assister à la manifestation. Et l'occasion de le faire ici ne se présente pas fréquemment, donc on en profite, par tous les moyens !». Dimanche au soir, le spectacle de Abderrahmen Chikhaoui «Leghneya» fut un fiasco en matière d'organisation et de prestation. Très attendu et prisé par les habitants de la région, l'artiste a entamé son concert de chant après plus d'une heure de retard, devant un public nombreux venu l'acclamer. Vacarme et embrouilles ont précédé le début de la fête, et les problèmes de sonorisation n'ont pas tardé à surgir. Une déception déplorée par la majorité des spectateurs. Au gré des heures, la manifestation a été rongée par des retards de 2h. Un rythme qui a fini par ralentir le déroulement des spectacles prévus et lasser les spectateurs. «Helma», une troupe musicale, a organisé un concert baptisé «Rencontre» qui a bercé les noctambules de 2h du matin 4h dans la nuit du 26 au 27 mars. L'aspect organisationnel de l'évènement a grandement été pointé du doigt par des participants étrangers, qui n'ont pu présenter leurs spectacles dans des conditions basiques, acceptables. Changement de lieu à la dernière minute, problèmes techniques, temps mort... «Il faut s'armer des moyens nécessaires pour réussir un challenge aussi important que celui des 24h de théâtre. C'est un défi à surmonter : si on n'est pas endurant, si on n'a pas le souffle pour l'accomplir jusqu'au bout, autant y renoncer dès le départ. Ça reste une initiative à saluer certes, mais la rater de la sorte est navrant», déplore une artiste étrangère qui a préféré garder l'anonymat. Un metteur en scène n'a pu présenter son spectacle à temps et encore moins à l'installer, faute de salle. Et pour finir, un parent regrette l'absence d'informations qui indiqueraient aux spectateurs quelles étaient les pièces destinées aux enfants et celles pour adultes. Les ateliers ont été globalement attrayants et ont fait le bonheur des participants, comme celui dirigé par Alberto Grilli, centré sur «Le théâtre de rue comme outil pour l'inclusion sociale». Un autre, piloté par l'artiste irakien Jabar Hassan Khammat, était constructif et était présenté comme une sorte de «cabinet théâtral» qui traiterait de «la construction de soi» et Sihem Belkhodja a animé un stage de théâtre dansant. Anouar Chaafi, Dalila Meftehi, Niçaf Ben Hafsia, Aziza Boulabiar ou encore Fethi Naghmouchi ont été les invités d'honneur de cette 16e édition où l'aspect participatif, les ateliers, les rencontres et les tables rondes ont impacté les participants, bien plus que l'aspect scénique et les spectacles pour la plupart passés inaperçus.