Pas plus de précision que de round d'observation dans une rencontre hachée où l'on rêvera longtemps d'un jeu léché ! Le terme Classico serait-il devenu un nom usurpé pour une escroquerie médiatique ?! C'est envisageable vu que la presse sportive locale nous bassine depuis plusieurs jours sur ce prétendu sommet du football tunisien, cet ESS-EST scandaleusement baptisé du nom de Classico ! C'est le cas de le dire puisque le dernier sommet de Sousse a accouché d'une rencontre sans grand intérêt, plus marquée par des contestations que par des exploits sportifs. Fouillons dans nos courtes mémoires pour retrouver des actions et même des buts remarquables au cours de ce match : nous pouvons citer la formidable tête de Khenissi à l'Olimpico en seconde période et le coup-franc remarquablement botté par Lahmar sur le montant. Reconnaissons que ce n'est pas énorme. Donc non, cette confrontation n'a pas été un sommet du football. On nous objectera cependant que les sommets, les chocs entre deux grandes équipes, accouchent souvent de matchs décevants, et que l'enjeu tue le jeu. A quoi je répondrai facilement : «Vous avez dit "sommet" ? Vous avez dit "grandes équipes" ? Nous parlons bien d'ESS-EST ?». Car il faut être lucide : à aucun titre, ce match n'est et ne fut un grand format! Là encore, par honnêteté (notre journal affiche une exigence d'honnêteté et d'objectivité à laquelle je ne dérogerai pas), je dois reconnaître qu'il a opposé les deux premiers du classement, les deux favoris du championnat, l'un des tandems le plus titrés du pays, les deux plus grands clubs d'Afrique (au classement Fifa), etc. Certes. Mais regardons les choses en face : mis à part la concurrence du CSS, du CA, du CAB tantôt et récemment de l'ESM, Espérance et Etoile doivent leur leadership à une faible concurrence adverse. D'ailleurs, il est parfois déconcertant pour un «grand» de se voir inventer un renouveau (par des journalistes peu regardants)qui ne résiste pas à l'analyse ! Précisons pour porter l'estocade que Horoya Conakry, battu sur le fil par l'EST en Ligue des champions, est à des années lumière du statut du club de Bab Souika. Il faut donc toujours relativiser. Prendre des vessies pour des lanternes ! Maintenant, nous n'irons pas jusqu'à dire que nous avons aujourd'hui des meneurs de circonstance, voire chanceux. Mais il faut tout de même souligner qu'en dépit de budgets colossaux et de recrutements onéreux, le dernier Classico a encore révélé cet écart abyssal entre le plafond local et le niveau que l'on prétend avoir atteint. Cela doit forcément nous rappeler à un peu plus de modestie ! Car au-delà du classement actuel des deux équipes, prenons un peu de hauteur pour constater qu'en fait, ce duo qui reflète la bipolarisation de notre football ne figure à aucun titre parmi les plus grandes équipes continentales actuelles. Le rendement, est, comment dire, très moyen! En revanche, les projets des deux clubs sont ambitieux. Nous avons donc face à face non pas les «cadors», mais les «Poulidor» du championnat ! Pour revenir au sommet de dimanche dernier (surtout l'avant-match), une fois de plus, nous avons eu affaire à une manipulation de la presse sportive, qui veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes en donnant à ce match ordinaire le nom prestigieux de Classico. Le Classico, nom consacré du choc Barça-Real, recouvre en effet une réalité autrement éblouissante. Certes, là aussi, ces deux équipes ibériques dominent leur championnat de la tête et des épaules, et même jusqu'aux genoux (excepté l'intermède Atletico Madrid). Mais force est de constater que le niveau global de la Liga est tout autre avec des équipes, telles que Valence, Seville, Villareal, Bilbao, Espanyol qui font régulièrement partie du Ghota européen de la C3. Rien à voir avec le maigre bilan des protagonistes de notre Ligue 1. Comme on dit, nous ne jouons pas dans la même catégorie ! Utiliser le même nom (soit Classico) pour nommer les chocs de la saison relève de l'usurpation ! On prend une bouteille de mousseux éventé et on lui colle une étiquette de grand cru millésimé pour mieux la vendre ! Pourquoi une telle escroquerie médiatique ? Cette question appelle une réponse évidente et une autre qui l'est moins. Réponse évidente : cela permet de vendre du papier avant le match, et du temps d'antenne pendant. Les télévisions détentrices des droits vont rassembler une audience record, et les journaux sportifs auront sans doute dopé leurs ventes. Comme souvent les journalistes inventent un événement, le créent de toutes pièces, pour rassembler un public plus large. C'est triste mais c'est courant, n'épiloguons pas trop là-dessus! Sauf que là les journalistes vont profiter d'un double effet. Si, comme je le pense, le match se révèle sans intérêt, qu'il débouche sur un mauvais spectacle pour un résultat quelconque, que vont dire vos serviteurs, nous autres les journalistes ? Allons-nous déplorer notre propre comportement, et regretter d'avoir sciemment donné de l'importance à un match qui ne le méritait pas ? Ce serait honnête. Mais nous allons plutôt faire le contraire ! Explication : la plupart des médias vont profiter de cet écart entre la vision qu'ils ont eux-mêmes donnée de ce match et ce qu'aura été sa réalité, pour de nouveau vendre plus de papier et de temps d'antenne via les émissions sportives et les innombrables débriefings. Ce journal à gros tirage pourra titrer «La montagne accouche d'une souris », et ne soulignera pas que ce sont nous autres journalistes, qui, à partir d'une simple «taupinière», avons inventé cette montagne ! Entretemps, en plateau, les commentateurs auront pu critiquer tout à loisir les joueurs de cette piètre rencontre, coupables d'avoir été simplement à leur niveau, c'est-à-dire bien loin du sommet que ces commentateurs eux-mêmes nous avaient vendu !