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Une affaire d'Etat ?
Projet Marina Gammarth
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 05 - 2017

L'Etat tunisien aurait, dans ce seul dossier, subi une perte de plus de 200 millions de dinars. « Quand vous connaîtrez les dessous de ce dossier, vous comprendrez pourquoi nous ne pardonnons pas », a lancé Me Charfeddine Kellil
«Nous mènerons la guerre contre la corruption jusqu'au bout», avait déclaré mercredi le chef du gouvernement Youssef Chahed lors d'une brève déclaration aux médias, et la société civile tunisienne s'est dite prête à apporter son soutien en portant devant les tribunaux et devant l'opinion publique des suspicions de corruption, parfois d'une ampleur invraisemblable. Hier, l'affaire présentée en conférence de presse par le réseau Dostourna en collaboration avec le mouvement « Manich Msemah » (je ne pardonnerai pas), est d'une gravité telle que l'avocat Me Charfeddine Kellil l'a qualifiée de « corruption d'Etat », dans laquelle « plusieurs ministères et institutions de l'Etat sont impliqués ».
L'affaire remonte à 2007 et se poursuit jusqu'à nos jours. Elle concerne le projet Marina Gammarth, situé à Cap Gammarth, construit par la Société immobilière touristique Marina Gammarth et détenu actuellement à hauteur de 25% par les héritiers de Aziz Miled (Son fils Karim étant le PDG actuel de la société), Mejda Investment (dans laquelle l'Emir du Qatar est actionnaire), Victor Nazeem Agha (entreprise également qatarie), Slim Chiboub (25% des parts). Preuves et chiffres à l'appui, Jaouhar et Dalila Ben Mebarak (réseau Dostourna) ont montré que l'Etat tunisien aurait, dans ce seul dossier, subi une perte de plus de 200 millions de dinars. « Quand vous comprendrez les dessous de ce dossier, vous comprendrez pourquoi nous ne pardonnons pas », a lancé Charfeddine Kellil. Explications.
Une administration « trop rapide »
Par un simple décret présidentiel de Ben Ali, le 3 mars 2007, dix hectares donnant sur la baie de Gammarth passent du domaine public maritime à la propriété privée de l'Etat. But de la manœuvre : rendre légalement possible sa vente. Le 11 avril, soit 38 jours plus tard, la Société immobilière touristique Marina Gammarth dépose une demande pour un permis de construire d'un « complexe résidentiel, touristique et de loisirs » auprès de la municipalité de La Marsa. Incroyable rapidité, le jour même, la commission technique d'octroi des permis de construire, se réunit (11/04/2007) et suggère au maire de l'époque, Mohamed Kamel Salhi, d'accorder le permis. Une décision qu'il actera par sa signature le 30 du même mois. Mais un détail a intrigué les Ben Mbarek : l'accord ne fait aucune mention du terrain sur lequel sera construit le projet, d'ailleurs, la case prévue à cet effet est restée vide. En fait, à cette date, l'entreprise n'était pas encore propriétaire de ce terrain. En d'autres termes, l'entreprise a bénéficié d'un permis de construire sur une terre qui ne lui appartenait pas, ce qui est illégal.
C'est que les choses ont relativement traîné pour ces investisseurs trop pressés. Un contretemps, qui n'empêchera pas l'entreprise à continuer à récupérer d'autres autorisations avec la rapidité de l'éclair. Le permis de construire en main, la société obtient, le 24 mai 2007, une « autorisation d'investissement » de la part de l'Office national du tourisme tunisien dirigé par Abderraouf Jomni. Elle stipule que la société en question investira dans un projet de « loisirs » uniquement et que le projet s'étalera sur une surface de 21,7 hectares. Bien évidemment, l'autorisation en profite pour accorder de larges avantages fiscaux et douaniers, dont une totale exonération de la TVA. Le tout pour un engagement d'investissement de 66,6 millions de dinars. Dans le tableau détaillant les dépenses d'investissement, rien ne faisait mention d'une construction d'un complexe résidentiel. D'ailleurs, un autre document de la même date, émanant de l'Ontt, précise : « Le projet est un port de plaisance et ses compléments (centre commercial, espaces de loisirs, restaurants touristiques...) ».
Des milliards de bénéfices sur le dos de l'Etat
Le 28 décembre 2008, un an et huit mois après avoir obtenu le permis de construire de la municipalité de La Marsa, feu Aziz Miled, représentant la Société immobilière touristique Marina Gammarth conclut enfin un contrat de cession de 21,7 hectares (les 10 hectares du domaine maritime et 11,7 autres hectares) avec l'Agence foncière touristique, relevant du ministère du Tourisme et ayant à sa tête Mohamed Mâali. Contrairement à ce qui se fait de coutume, ce n'est pas un avocat de l'Etat, mais bien l'avocat de la société, Nabil Jarraya, qui élabore le contrat. En 2007, alors que le mètre carré se vendait dans la région entre 800 et 1.200 dinars, l'Agence foncière touristique a cédé 21 hectares au prix de 40 dinars et 600 millimes (selon les calculs fais par les avocats).
« Alors que le projet présenté officiellement parle d'un investissement de 66 millions de dinars, voilà que l'Etat tunisien offre un terrain dont la valeur réelle est estimée à plus de 200 millions de dinars », explique Jaouhar Ben Mbarek.
Mais encore une fois le contrat mentionne que le projet concerne exclusivement la construction d'un port de plaisance et ses compléments. L'article cinq du contrat stipule même que l'agence garde un droit de regard sur le projet et se garde le droit de remettre en cause l'ensemble de l'accord.
« L'acquéreur s'engage à utiliser le terrain pour la mise en œuvre exclusivement d'un port de plaisance et ses compléments conformément à la déclaration d'investissement... En cas d'utilisation autre ou en cas de non-réalisation du projet, l'Agence foncière touristique se garde le droit de déposséder l'acquéreur de ses droits, entièrement ou partiellement... », stipule l'article 5 du contrat de vente.
Mais au total, ce sont 200 « unités résidentielles » entre appartements et villas vendus entre 600.000 dinars et 2 millions de dinars. Vendus ? Le terme n'est pas tout à fait exact puisque les acquéreurs ne disposent en fait, jusqu'à aujourd'hui, que d'une « promesse de vente », puisqu'en l'absence d'une autorisation formelle pour la construction du complexe résidentiel, il est impossible pour les acquéreurs d'obtenir un titre foncier. « De fait, ces résidences ont été construites dans l'illégalité et même les promesses de vente contiennent des informations erronées», résume Jaouhar Ben Mbarek. Selon lui, il est très difficile d'estimer avec exactitude la perte subie par l'Etat tunisien dans ce dossier. « En plus de la perte sèche de 210 millions de dinars sur le terrain, la société a importé, avec les avantages fiscaux et douaniers qu'on connaît, tout ce qu'il fallait pour la construction de résidences luxueuses », dit-il.
Dostourna demande à l'Etat d'agir
Pour le réseau Dostourna et la campagne Manich Msemah, le dossier « Aziz Miled » concerne tous les gouvernements, depuis Ben Ali au gouvernement d'union nationale en passant par la Troïka. « Il est notoirement connu que Aziz Miled était l'ami de Ghannouchi et pendant le gouvernement de la Troïka, il y a eu des tentatives de régler le problème par de nouvelles autorisations, mais nous disons que ce qui a été bâti dans l'illégalité, reste illégal », note Dalila Ben Mbarek. Le frère du président de la République, Slaheddine Caïd Essebsi, siège actuellement en tant qu'avocat au conseil d'administration de l'entreprise. L'avocate minimise toutefois son rôle dans cette affaire.
Ce qui est grave, selon Jaouhar Ben Mbarek, c'est qu'en 2014, la société qatarie Mejda Investment a récupéré une partie des bénéfices en devises étrangères. Le montant s'élèverait à 42 millions de dinars. « Pour moi c'est une évasion de devises, car toute l'affaire est illégale », déclare le coordinateur général du réseau Dostourna, qui demande à l'Etat de confisquer le terrain cédé, conformément aux clauses du contrat de vente.
De son côté, l'avocat Charfeddine Kellil a dénoncé l'opacité avec laquelle l'Instance vérité et dignité aurait géré le dossier de Slim Chiboub, actionnaire de la Société immobilière touristique Marina Gammarth à hauteur de 25%. « Je demande à ce que les PV des accords conclus avec Slim Chiboub soient publiés », a-t-il averti.
L'avocat Charfeddine Kellil a également précisé que des plaintes seront portées devant la justice et que le dossier ne sera pas transmis à l'Instante nationale de lutte contre la corruption, qui, selon lui, ne dispose pas d'une commission d'enquête. « Le chef du gouvernement rechigne à publier un décret portant création de la commission d'enquête », affirme-t-il.
« Il s'agit d'une plainte que nous sommes encore en train d'élaborer, fondée exclusivement sur l'article 96 du code pénal tunisien qui parle de détournement de fonds publics pour réaliser des profits causant un préjudice à l'administration, et, puisque la plainte sera également dirigée vers des ex-ministres et ministres actuels, on doit évoquer l'article 58 du code de la comptabilité publique qui qualifie les hauts fonctionnaires comme étant ordonnateurs publics, du coup, il sont soit complices soit des acteurs principaux », explique Charfeddine Kellil. Entre autres personnalités, l'avocat met en cause Ridha Grira, ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières de l'époque.
Que dit la défense ?
La Presse a joint par téléphone l'un des avocats de la Société immobilière touristique Marina Gammarth, dont le nom a été cité lors de la conférence de presse, Il s'agit de Maître Nabil Jarraya qui, gentiment, a souhaité s'abstenir de tout commentaire.
« Je ne pourrais parler de cette affaire qu'en coordination avec mon client, nous explique-t-il. Je les préviendrai de votre appel et s'ils souhaitent donner des déclarations ou s'ils m'autorisent à donner des déclarations sur le sujet, alors je parlerai ».
Cependant, une source qui se dit proche du dossier mais qui refuse de dévoiler son identité, nous a expliqué que ces déballages médiatiques cherchent à manipuler l'opinion publique. Il rappelle ainsi que le terrain en question englobe 10 hectares en mer dont les travaux d'aménagement ont coûté par moins de 50 millions de dinars. « Le port est l'investissement structurant de la zone, l'Etat n'a déboursé aucun millime et pourtant, il reste le propriétaire des lieux donnés en concession», a-t-il affirmé. Selon lui, l'Etat a aussi reçu 25% des dividendes par le biais des biens confisqués de Slim Chiboub.
La source admet toutefois que Ben Ali a bel et bien joué les facilitateurs dans ce dossier, « sans quoi le projet aurait traîné dans les bureaux de l'administration tunisienne ».


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