Du côté du ministère des Affaires religieuses, on se mobilise dans le but de fournir aux fidèles, plus particulièrement les jeunes, un discours religieux alternatif les prémunissant contre les tentations terroristes. Mais avec quels moyens et surtout quels imams et prédicateurs ? Ceux qui soutiennent Youssef Chahed, chef du gouvernement d'union nationale, dans sa guerre contre la corruption, le terrorisme, les associations accusées de financer le terrorisme et l'envoi des jeunes Tunisiens aux foyers de tension en Libye, en Irak et en Syrie et aussi les écoles coraniques qui ont pullulé à la faveur de la révolution, affirment que le gain de cette guerre est interdépendant de celui de remporter la bataille consistant à instaurer un discours religieux alternatif au sein des mosquées (sous le contrôle du ministère des Affaires religieuses en attendant la récupération de celles où les salafistes dictent toujours leur loi), un discours visant essentiellement les jeunes. Et ils ajoutent : «Tant que nos imams et prédicateurs n'ont pas compris que les discours et les prêches qu'ils professent ne changeront pas dans le sens de propager les valeurs de tolérance, d'acceptation de l'autre et de son droit à pratiquer ses croyances, de consécration effective du droit à la différence, valeurs fondamentales de la religion islamique, tous les efforts visant à éradiquer le terrorisme et l'extrémisme n'aboutiront pas. En plus clair, combattre les terroristes retranchés aux jebels Semmama ou El Mghilla, dévoiler les cellules dormantes dans les quartiers populaires à travers la République et organiser des débats télévisés quotidiens pour démasquer les objectifs de Daech et ceux qui les appuient financièrement et médiatiquement sont des actions à louer et à soutenir. Sauf que leurs effets restent limités si on ne parvient pas à convaincre nos imams et nos prédicateurs (dont plusieurs continuent consciemment ou inconsciemment à produire un discours religieux le moins qu'on puisse dire incompatible avec les exigences de l'étape) qu'ils doivent s'adapter à la nouvelle mission qui leur est impartie: celle de puiser dans la pensée islamique pour proposer aux fidèles un discours qui fait la part des choses et qui révèle tout ce qu'il y a d'éclairé, de rationnel et de motivant dans le Coran et dans la «sira» du Prophète et aussi dans l'ijtihad des grands savants musulmans tels que Ibn Rochd, Mohamed Abdou, Al Ghazali, Al Kawakbi et les autres». Ahmed Adhoum a-t-il les moyens de sa bataille ? ll semble qu'Ahmed Adhoum, le ministre des Affaires religieuses, a décidé d'impliquer son ministère et ses cadres dans la bataille du discours alternatif visant à lutter contre le terrorisme et la violence. Et la série de rencontres-débats qui se déroulent depuis quelques jours dans plusieurs villes de la République sous la supervision du ministre lui-même de montrer qu'on est convaincu au plus haut niveau de l'Etat «qu'il est temps d'instaurer ce nouveau discours qui répond aux préoccupations des jeunes, qui les prémunit contre toutes les formes de dérapage et qui leur procure les armes ou la formation intellectuelle nécessaires pour qu'ils puissent résister aux tentations». La nouveauté constatée lors des causeries ramadanesques tenues jusqu'ici est qu'on a changé d'approche dans la mesure où ne se contente plus d'indiquer aux jeunes ce qu'ils doivent faire. Cette fois-ci, on écoute les jeunes et on leur demande de proposer eux-mêmes les axes sur lesquels doit reposer ce nouveau discours. Le forum de dialogue avec les jeunes organisé récemment dans la capitale a démontré, en effet, que nos jeunes «veulent être des acteurs agissants dans la production de ce discours en exigeant d'accéder aux postes de responsabilité aux plans local et régional et aussi central. Certes, les mosquée et les imams ont leur responsabilité à assumer dans ce domaine. Nous aussi, nous avons notre mot à dire et nos propositions à faire prévaloir» comme les jeunes participants à ces rencontres-débats. Reste à savoir si Ahmed Adhoum, ministre des Affaires religieuses, dispose effectivement des ressources humaines qualifiées pour assumer cette mission, quand on sait que 93% des imams ont un niveau d'instruction primaire et que les imams prêcheurs perçoivent un salaire mensuel de 350 dinars. Une autre question s'impose : y a-t-il une quelconque forme de coordination entre le ministère de l'Education et celui des Affaires religieuses pour ce qui est des données à fournir aux jeunes fréquentant les mosquées dont la plupart sont des collégiens et des lycéens ?