« La formule actuelle du projet de loi est une régression par rapport au Conseil économique et social, disparu en 2011, qui était plus inclusif » (Tarak Cherif, président de la Conect) Sans grand espoir d'un revirement de dernière minute, la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) a exprimé hier son opposition à la version actuelle du projet de loi relatif à la création du Conseil national du dialogue social qui doit être discuté dès aujourd'hui en séance plénière. Ce sont les termes de l'article 8 qui ont exacerbé l'ire des dirigeants de la Conect. Un article qui énonce clairement que seules les « organisations les plus représentatives à l'échelle nationale » peuvent siéger audit conseil. Autrement dit, l'Ugtt pour représenter l'ensemble des travailleurs, et l'Utica pour défendre le point de vue de tout le patronat. « Quid de la pluralité syndicale inscrite dans la Constitution ? », se demande Tarek Cherif, président de la Conect et ex-membre du défunt Conseil économique et social (CES) disparu en 2011. « Nous considérons que c'est une régression par rapport au CES qui était beaucoup plus inclusif », estime-t-il. La Conect regrette notamment la précipitation de l'ARP et appelle au report du vote à la rentrée de septembre afin de laisser du temps au débat. Bien que d'ordre consultatif, le futur conseil, tel que présenté dans le nouveau projet de loi, arrange plutôt les affaires des deux principales organisations du pays qui seront consultées sur presque la totalité des projets de loi relatifs aux aspects sociaux et économiques ». L'article 2 du projet octroie même au Conseil la possibilité de réfléchir aux questions relatives aux organisations syndicales et patronales dans les secteurs agricole et non agricole. « On réfléchit à des préoccupations qui nous concernent directement tout en nous excluant ! », résume le président de la Conect. Il dénonce ce qu'il appelle une « institutionnalisation de l'exclusion ». Proposition de représentativité proportionnelle Lors de son audition par la commission de la santé et des affaires sociales à l'ARP, la Conect a défendu l'idée d'introduire une forme de représentativité proportionnelle des diverses organisations syndicales et patronales. L'idée aurait, selon Tarek Cherif, séduit la commission qui a présenté une version amendée allant dans ce sens. « Il est évident, que l'Ugtt s'est opposée à cette proposition, remarque le président de la Conect. La visite du ministre des Affaires sociales, nettement partisan des positions de l'Ugtt, a fini par modifier la position de la commission ». La Conect rappelle que sur la question du dialogue social, le Bureau international du travail (BIT) a déjà en 2016 exprimé son vœu de voir le gouvernement privilégier « l'élargissement des consultations à toutes les organisations concernées du paysage syndical et patronal tunisien afin de prendre en considération les divers points de vue ». Démenti de la commission Contacté par La Presse, le président de la commission de la santé et des affaires sociales, Souhaiel Alouini, a toutefois démenti l'information selon laquelle la commission aurait été convaincue par les propositions de la Conect avant de se rétracter. « Il y a eu effectivement des discussions au sein de la commission suite aux auditions, précise Souhail Alouini. Au bout du compte, les députés ont décidé de conserver l'esprit du projet présenté par le gouvernement, moyennant quelques modifications ». Le président de la commission a par ailleurs fait remarquer que l'article 8 n'exclut aucune partie puisqu'il fait usage du pluriel en parlant « des organisations les plus représentatives ». « La Conect, tout comme d'autres organisations, pourrait tout à fait siéger au conseil, si elles obéissent aux critères qui seront fixés plus tard par le ministre des Affaires sociales », a déclaré Alouini. La commission de santé et des affaires sociales proposera à la plénière des modifications qui ne touchent pas au fond du projet, à l'instar de l'augmentation du nombre de conseillers au bureau de l'assemblée générale, qui passe de 6, dans la version gouvernementale, à 9. D'un autre côté, le projet qui sera présenté aujourd'hui en plénière ne fait plus référence au pacte social signé entre l'Ugtt et l'Utica. « Après tout, le gouvernement a tout intérêt à ce que le Conseil national du dialogue social soit l'expression de ce qui existe sur le terrain, note Souhaiel Alouini. L'objectif du Conseil est d'éviter les conflits sociaux ». Selon le projet de loi présenté depuis 2015, le Conseil veille à établir un climat social favorable, susceptible de booster l'investissement. En plus des questions d'actualité, le Conseil sera appelé à mener des études ayant trait au social et à l'économique. Il devrait donc remplacer le défunt Conseil économique et social.