Pour la société civile, la solution est ailleurs : «Il faut prévoir un fonds de soutien aux sécuritaires dans la loi de finances 2018 et doter les forces armées des moyens nécessaires à même de les prémunir contre les dangers, sans mettre en péril la vie des citoyens Déposé par le ministère de l'Intérieur le 13 avril 2015, le projet de loi relatif à la répression des atteintes contre les forces armées n'a que récemment atterri à la commission de législation générale qui a de suite entamé les auditions. La partie gouvernementale, la douane ou encore les syndicats ont été entendus pour défendre le texte et parfois même pour aller plus loin. Mais ce court projet d'à peine une vingtaine d'articles a suscité un tollé chez les défenseurs des libertés individuelles. Au moins 19 organisations de la société civile, dont le Syndicat national des journalistes, Bawsala et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, se sont alliées pour exprimer leur rejet du projet de loi dans sa version actuelle « qui touche aux droits et aux libertés et est non conforme aux dispositions de la Constitution ». Lourdes peines La présidente de l'association Bawsala, Chaima Bouhlel, contactée par La Presse, demande le retrait pur et simple du projet de loi. Pour elle et pour l'ONG, la solution est ailleurs. « Au lieu de chercher à créer une loi pour chaque thématique, il faut simplement prévoir un fonds de soutien aux sécuritaires dans la loi de finances 2018 et puis doter les forces armées des moyens nécessaires à même de leur permettre de se prémunir contre les dangers, sans mettre en péril la vie des citoyens », note-t-elle. Plusieurs articles prévus par le projet posent problème et imposent de lourdes peines aux contrevenants (plus lourdes parfois que celles prévues par le code pénal), sans pour autant laisser une marge de pouvoir discrétionnaire aux juges chargés de ces affaires. Si le projet est adopté tel quel, ce sont aussi les journalistes qui seront touchés. En effet, sur les 20 articles du projet, sept punissent de peines sévères l'accès ou la divulgation d'informations touchant à la « sûreté nationale ». « Un fourre-tout », selon ces ONG. L'article 7 dispose notamment que les utilisations de caméra ou d'appareil photo dans les zones d'opérations militaires soient soumis à des autorisations préalables. Selon le même article, même disposant d'une autorisation de filmer, les enregistrements doivent être contrôlés avant toute diffusion. Une journée d'étude à la rentrée Toutefois, selon le vice-président de la commission de législation générale, Hassouna Nasfi (Machrou Tounès), il ne fait aucun doute qu'avant d'être présenté en séance plénière, le projet de loi sera révisé et certains articles revus au fur et à mesure des auditions et des débats. « A la rentrée, nous organiserons une journée d'étude au palais du Bardo, pendant laquelle tout le monde pourra s'exprimer, surtout les organisations de la société civile, qui, nous le savons, sont critiques vis-à-vis de certaines dispositions », a déclaré Hassouna Nasfi. A titre personnel, il ajoute que le projet souffre de lacunes au niveau des « réparations de préjudices ». « C'est tout de même l'une des principales revendications des sécuritaires, et dans ce projet cet aspect n'est pas assez pris en compte dans le projet », estime-t-il. De son côté, la députée de Afek Tounès, Hager Ben Cheikh Ahmed, assure que les députés ne laisseront certainement pas passer des dispositions liberticides en contradiction avec l'article 49 de la Constitution. Ce dernier dispose que « les restrictions — aux droits et libertés — ne peuvent être établies que pour répondre aux exigences d'un Etat civil et démocratique, et en vue de sauvegarder les droits d'autrui ou les impératifs de la sûreté publique, de la défense nationale, de la santé publique ou de la moralité publique, tout en respectant la proportionnalité entre ces restrictions et leurs justifications ». La députée défend également l'idée d'étendre la répression des atteintes aux forces de sécurité non armées, à l'instar des agents de la protection civile et les agents de police qui ne portent pas d'armes. « Je crois que ce sont eux qui devraient être protégés en priorité parce qu'ils sont démunis », explique-t-elle. Le débat promet donc d'être très animé dès la rentrée et plusieurs autres projets de loi augurent une nouvelle session parlementaire agitée.