Comme conducteur, les succès des sept dernières années d'abord. Puis le nouvel album « Ensan », une toute autre thématique que celle initiée en 2011. On y aborde les contrastes de l'existence humaine. Les forces et les fragilités. Ce seront des retrouvailles, oui. Les retrouvailles de l'enfant prodige avec un public tunisien, pendant plus de six années, comme « frappé d'amnésie ». Il y a six ans, Emel Mathlouthi, de retour de France, chantait, à ciel ouvert, la gloire de la révolution, devant un public enflammé, avenue Bourguiba. Le moment et le lieu formaient une telle osmose qu'ils paraissaient « fusionner à jamais ». Erreur. Les désillusions ont suivi. Les oublis. La flamme s'est « érodée ». Subitement, plus de répondant. Même « kelmti horra » qui faisait vibrer les foules : en totale perte d'écho. Repartie en France, puis aux Etats-Unis, Emel Mathlouthi replongeait dans « l'exil » « Un fichu poids à l'âme ». « Injuste, trop injuste » qui plus est. La chanteuse, entretemps, avait fait du chemin, et quel chemin ! Un album (kelmti), puis un second, récent (Ensan) précédés et ponctués par des concerts à succès à travers le circuit des musiques du monde. Des années à ce rythme, sur ce beau train, mais en Tunisie, black-out, pas un mot. Et pourquoi ? On n'a jamais su, on ne sait toujours. Oslo, voire, le somptueux concert du prix Nobel, et cette prestation à résonance planétaire de « kelmti horra » accompagnée par l'orchestre symphonique royal de Norvège, n'y firent « que dalle ». Quelques petits remous « patriotiques », et puis, à nouveau, «bouches cousues».Il a fallu, pour finir, se charger soi-même du « rappel ». Secouer un peu les autorités de la culture. En fait, présenter, humblement, un dossier de festivals. A « Carthage », a priori, cela n'avait rien d'abusif. Les péripéties, tout le monde s'en souvient : programmation, puis déprogrammation, puis reprogrammation, après controverse et pétition. Au final, justice est rendue. Mais à l'ART, seul .Au mérite d'une artiste poétesse, musicienne, interprète, qui ne devra son passage, ce samedi 12 août, sur la scène prestigieuse du théâtre Romain, qu'à son talent propre, à sa conscience vive et à son amour inconditionnel pour son pays. Ce que seront les retrouvailles, samedi ? Un concert total. Emel et son groupe étaient en tournée ces deux derniers mois. Europe, Amérique, Liban. Excusez du peu. Mais ce qu'ils ramènent à « Carthage » sera, disons, une sorte de « première » pour eux. Comme volume sonore, d'abord. L'orchestre français prêtera son concours. De même que les percussions traditionnelles. L'éclectisme musical d'Emel Mathlouthi se précise, et se renforce au fil du temps. Elle le dit : « Je suis un peu entre différents univers, je crée des passerelles entre les musiques ...». Il y aura donc du « métissage ».Electronique, mystique, sacré, profane, et des synthèses à partir de répertoires anciens. Comme conducteur, ensuite : les succès des sept dernières années, d'abord. Puis, le nouvel album « Ensan », une toute autre thématique que celle initiée en 2011 . On était dans le discours révolutionnaire, militant. On tourne désormais une page : on aborde un motif « nietzschéen » : les contrastes de l'existence humaine. «Les forces et les fragilités», «l'humain, trop humain ». Comme style, enfin : à notre avis, ce qui caractérise, ce qui particularise le mieux la musique de Emel Mathlouthi. Plutôt son approche du chant. Cela ne se vérifie nulle part. Mais c'est déjà sur la voie d'aboutir à une expressivité autonome : tour à tour lyrique, nostalgique, percutante, n'inclinant, en tout cas, vers aucune structure usitée, vers aucun cliché. On ne citera pas de titres. On laissera au public le soin de la découverte. On dira une chose: la rencontre, samedi, avec Emel Mathlouthi, effacera sûrement les six ans d'«amnésie». En tout état de cause : un événement !