A mi-mandat, « après exactement 36 mois de son élection à la magistrature suprême », le président Caïd Essebsi s'est confié au magazine Leaders dans le cadre d'un entretien réalisé entre le 25 (Fête de la République) et le 27 juillet dernier. Le président a répondu clairement aux questions, sans détour, sauf sur deux points essentiels dans la vie politique actuelle et future, notamment à l'horizon proche de 2019, objet de rumeurs, de convoitises et de critiques. Le premier concerne l'élection présidentielle de 2019. Le président Caïd Essebsi esquive la réponse directe sur son intention, ou non, de se porter candidat. Mais il fait rappeler qu'il est un « homme sérieux » et, en tant que tel, il ne badine pas avec les affaires de l'Etat. Ni avec l'âge : « Qui vous dit que je serai parmi vous ? », répond-il à son interviewer. Toutefois, il conseille « ceux qui sont pressés et se hâtent dès à présent » de veiller « à ne pas polluer l'atmosphère politique ». Le second point concerne le parti Nida Tounès dont il est le père fondateur. A la question de savoir si le parti peut renaître (de ses déboires, ndlr), le président répondra : « Il n'est pas mort », émettant implicitement le souhait de le voir rétabli, reconstruit, parce que « le paysage politique doit reprendre ses couleurs et favoriser un meilleur équilibre qui (me) semble aujourd'hui rompu, un équilibre où toutes les sensibilités politiques seraient représentées, s'exprimeraient et coexisteraient ». Comme il l'a fait en 2012 : « Lorsque j'ai fondé Nida, je ne l'avais pas fait pour moi-même. Je l'ai ouvert aux syndicalistes, aux indépendants, aux destouriens et aux militants de gauche. Sans exclure personne. C'est mon pari ! Et J'y crois encore ». Il y aurait donc une solution ultime pour Nida ?, interroge Leaders : « Il y en a plusieurs !, affirme Béji Caïd Essebsi, mais avant l'heure, ce n'est pas l'heure ni après l'heure». Soutien total à Youssef Chahed Le président Caïd Essebsi s'est exprimé, également, sur de nombreuses autres questions dont celle relative aux rumeurs qui tentent de semer le doute dans sa relation avec le chef du gouvernement, Youssef Chahed, dont il dira que « personne ne m'a pressé pour le choisir ». A ce propos, le soutien du président Caïd Essebsi à Youssef Chahed est total et il va jusqu'à regretter que Chahed « n'ait pas bénéficié du soutien dont il a impérativement besoin... Nombreux sont ceux qui se sont mis en embuscade contre l'action de son gouvernement. Ceux qui évoquent des divergences entre le président de la République et le chef du gouvernement se leurrent totalement. Chacun est dans son rôle et chacun est dans son statut. D'ailleurs, pourquoi voulez-vous que le chef du gouvernement s'oppose au chef de l'Etat ou inversement ? ». A propos de la guerre contre la corruption, le chef de l'Etat estime que c'est un devoir de s'y inscrire, l'Etat doit relever avec détermination ce défi majeur. En tant que garant de la Constitution, le président Caïd Essebsi affirme qu'il ne prendra pas l'initiative de sa révision, malgré ses faiblesses mais « si d'autres sensibilités veulent s'y engager, je ne m'y opposerai pas. La dernière décision reviendra au peuple », souligne-t-il. A propos du Document de Carthage, le président estime qu'il n'y a pas d'autre alternative, tout en précisant : « Ce n'est pas moi qui l'ai rédigé, mais les partis et organisations signataires ». Notre société est très attachée à la modération Au sujet du parti Ennahdha, le président Caïd Essebsi affirme qu'il ne doit rien à ce parti, y compris dans son élection à la présidence de la République, même si Rached Ghannouchi « m'affirme avoir voté pour moi », dit-il. Le président constate quand même qu'Ennhadha déploie un effort évident dans sa conversion en parti politique. « Le pas accompli, aussi significatif qu'il soit, reste insuffisant. Mais, tant que ce parti reconnaîtra l'Etat et avancera dans le bon sens, j'en tiendrai bien compte », souligne Béji Caïd Essebsi. A la question sur la gauche et l'éventualité de l'existence de problèmes avec ses « gens », le président nie catégoriquement tout en précisant qu'il n'est pas d'accord avec eux « quand ils veulent faire de la Tunisie un Etat à gauche. « Notre société est très attachée à la modération du centre, dit-il, n'oublions pas les dispositions de la Constitution qui proclament que l'Etat est civil pour un peuple musulman ». S'agissant des déclarations de l'ancien président Moncef Marzouki au sujet de l'attaque contre l'ambassade américaine, le président Caïd Essebsi les qualifie de « scandaleuses » et émet le souhait « Que Dieu protège la Tunisie de ceux qui, parmi ses enfants, lui portent préjudice! »