Le mardi 15 août, le Conseil de l'ordre des ingénieurs (COI) a publié un communiqué qui a soulevé une vive polémique, notamment des institutions d'enseignement supérieur privé spécialisées dans la formation des ingénieurs. En substance, ce communiqué s'adresse aux parents qui veulent inscrire leurs enfants dans des écoles qui ne «se conforment pas au cahier des charges» élaboré par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique » Du coup, le COI s'est mis à dos et la Chambre syndicale de l'enseignement supérieur privé et les institutions mises à l'index pour non-respect du cahier des charges. Il faut, justement, rappeler que dans le communiqué du 15 août, le COI a été plus qu'explicite. Il a, même, mis en garde les parents contre l'inscription de leurs enfants dans des établissements qu'il a cités nommément. A titre d'exemple, il y a cinq institutions qui, selon ce communiqué, ont prouvé leur conformité aux règlements. Il s'agirait de l'Ecole supérieure privée d'ingénieurs et des études technologiques de Tunis (UAS) et de celle de Sousse, de la Faculté privée des sciences de gestion et de technologies (Mégrine - Université privée des études scientifiques et de technologie), de l'Ecole supérieure privée d'aviation et de technologie et, enfin, de l'Ecole supérieure des sciences appliquées et de gestion (Université Sésame). Respecter certaines obligations En gros, il est question pour ces entreprises privées d'enseignement supérieur de tenir compte d'un minimum de base de critères pour prétendre dispenser des formations. A titre d'exemple, on pense au budget alloué au lancement de l'entreprise, au nombre d'étudiants par professeur, à l'espace de l'institution, des salles destinées aux cours, etc. Sans le respect d'un certain nombre d'obligations instaurées par le cahier des charges, il devient impossible de parvenir à une bonne formation des étudiants. C'est, d'ailleurs, l'un des arguments mis en exergue par le COI. Celui-ci se dit engagé à «veiller à la promotion de la profession d'ingénieur, à la préservation de la qualité de la formation ainsi qu'à la contribution à évaluer les besoins du pays en cadres ingénieurs». A cet effet, il se serait vu dans l'obligation d'écarter quelques institutions dont l'Université centrale, l'ULT et Esprit. Cette dernière a très vivement réagi par le biais de son premier responsable et à travers des encarts publicitaires où elle rejette toute légitimité du COI dans de telles décisions. Selon cette école, des mesures similaires relèveraient plutôt du ministère de l'Enseignement supérieur. « L'habilitation des établissements universitaires et la reconnaissance des diplômes qu'ils (les établissements d'enseignement supérieur privé) délivrent sont du ressort exclusif du ministère de l'Enseignement supérieur». Ce qui étonne les responsables de l'enseignement privé c'est, à leurs yeux, le timing choisi pour lancer cette campagne de «boycott». En effet, l'année universitaire démarre dès le début du mois de septembre, particulièrement pour la filière ingénieurs. C'est, aussi, le moment pour les étudiants de s'inscrire et de choisir des établissements où ils poursuivront leurs études futures. Une situation difficile Pis encore, les responsables du secteur privé ne s'expliquent pas l'attitude intransigeante du COI qui réaffirme son engagement à refuser l'inscription des diplômés du privé quand bien même ils présenteraient une équivalence délivrée par le ministère lui-même. Toujours est-il qu'une réunion s'est tenue en fin de semaine dernière entre les parties concernées pour évaluer l'impact de ce communiqué qui n'a pas manqué de soulever un tollé du côté du secteur privé. Pour la partie officielle, il n'y a rien de spécial. Le débat ouvert par le COI a ses réponses dans les différents textes organisant le secteur du privé et de la formation dans la filière ingénieurs. L'opinion publique, de son côté, estime que le corps de métier concerné est en train de se défendre en adoptant une telle posture. Lors de la Journée de l'ingénieur organisée fin 2016, des chiffres avaient été révélés sur la situation des ingénieurs tunisiens. Rien que pour cette année, il faut signaler que ce sont près de 5.200 nouveaux ingénieurs issus des établissements publics qui sont venus renforcer la liste des 70.000 ingénieurs. D'ailleurs, seuls 53.000 d'entre eux seraient inscrits au tableau de l'Ordre. On déplore, aussi, l'existence de 12.000 ingénieurs qui exerceraient leur métier de façon illégale. C'est-à-dire sans être reconnus par cette instance professionnelle. Il faudra peut-être ajouter que la moyenne d'âge des ingénieurs tunisiens est d'environ 40 ans pour 68,8 % d'entre les inscrits et que le nombre des femmes représenterait 31,9 % du total. En outre, la situation a tellement changé depuis 2011 au point qu'on a 33 écoles d'ingénieurs publiques contre 28 privées. Le nombre de promus est en nette augmentation et les débouchés ne sont plus garantis. Le taux de chômage des ingénieurs tourne autour de 10 et 40 % selon les spécialités.