Un accord vient d'être établi, ou plutôt arraché dans la douleur et la tension, entre les squatteurs des vestiges du palais husseïnite Ahmed Bey au centre de La Marsa d'un côté et le nouveau propriétaire de cet édifice, de l'autre. L'effondrement d'un immeuble à Sousse qui a causé la mort de six personnes a, en quelque sorte, poussé les autorités à agir très vite en vue de clore un dossier bien épineux qui traîne depuis 2007 en raison du refus des familles concernées de quitter les lieux. Des indemnisations pour les occupants Squatté depuis les années 70 par des familles modestes, ce prestigieux palais a sombré dans un état de dégradation très avancée. Malgré sa vente en 2006 par les héritiers d'Ahmed Bey au nouveau propriétaire, l'exécution du jugement émis à l'encontre des occupants illicites des lieux n'a pu avoir lieu, déclare la représentante du nouveau propriétaire de l'édifice, Mme Feriel Chabark. Plusieurs accords entre les deux parties en guise d'indemnisation n'ont pu aboutir, comme le transfert des familles à de nouveaux appartements à Bhar Lazreg. La réunion tenue ce jeudi au palais Essaada, siège de la municipalité de La Marsa, en présence des familles concernées (au nombre de 15), des représentants du nouveau propriétaire ainsi que du ministère des Affaires sociales et du gouvernorat de Tunis, fut le dernier épisode d'un long feuilleton qui n'a que trop duré et courroucé les habitants de cette ville en raison de la dégradation de l'édifice en question. «Après l'effondrement du bâtiment à Sousse, on ne pouvait plus attendre, c'est la vie des occupants du palais qui est mise en danger», a déclaré le président de la délégation spéciale de La Marsa. Risque d'effondrement L'accord stipule que le nouveau propriétaire offre une indemnisation d'un total de 400 mille dinars pour ces familles. Si la majorité a accepté l'offre et a encaissé son chèque sur place en présence d'un huissier notaire, deux représentants des familles en question ont jugé que la somme d'argent était en dessous de leur attente et ont préféré quitter la réunion. «On a un jugement qui plaide en notre faveur depuis 2008», présument-ils. La tension monte d'un cran, mais le président de la délegation spéciale de la Marsa rappelle que «la loi sera appliquée par souci de préserver la vie des gens. Ce bâtiment est dans une situation de total délabrement et risque de s'effondrer à tout moment», ajoute-t-il. Raoudha Khaldi, la représentante du ministère des Affaires sociales, nous confirme de son côté qu'elle a bien étudié la situation sociale des occupants du palais durant des visites qu'elle a effectuées en 2013 et 2016, et qu'en réalité, le nombre des cas sociaux qui nécessitent de l'aide ne dépasse pas les trois. Il y a même ceux qui ont des appartements et continuent à vivre dans cet édifice pour s'assurer l'indemnisation, nous confie-t-on. L'un des jeunes qui figure parmi les familles appelées à quitter les lieux, squattés, nous déclare qu'il n'a pas eu le temps de trouver un autre local et ne sait pas où aller, contrairement aux autres familles. Il explique qu'il vit dans le palais depuis les années 70, et qu'il se trouve maintenant dans l'extrême obligation de quitter le lieu de son enfance. Une maison d'hôte à la place du palais C'est après son acquisition par son nouveau propriétaire que le palais Ahmed Bey fut classé comme monument historique, selon l'arrêté gouvernemental n°56, de l'année 2016. Plus question donc d'ériger un centre commercial à sa place comme ça a été programmé au début. On s'achemine toutefois vers la construction d'une maison d'hôte à la place de ce palais, ou plutôt de ce qui en reste, tout en respectant l'ancien aspect architectural du palais husseïnite, comme l'a exigé l'Institut national du patrimoine. Désormais, le palais Ahmed Bey ne sera plus comme avant. Tous les squatteurs ont quitté cet édifice après avoir reçu ce jeudi une indemnisation de 26 mille dinars. Quant aux deux familles qui ont refusé ce compromis, il se trouve que les locaux qu'ils ont squattés se situent dans une partie jouxtant le palais et ouvrant sur un parking, ce qui n'est pas de nature à annuler le commencement des travaux qui vont être entamés par le nouveau propriétaire. «Tôt ou tard, ils ne vont pas tenir le coup et ils seront acculés à quitter les lieux par la loi», nous a déclaré le maire de La Marsa. La maison d'hôte, qui pourrait être construite à la célèbre place du Safsaf, devrait s'inspirer de la beauté architecturale du palais pour rappeler aux visiteurs les souvenirs d'un passé glorieux de la dynastie des beys. Mme Radhia Ben Mrad, présidente de l'Association de sauvegarde de la ville de La Marsa, qui a pris part à la réunion de jeudi, semble satisfaite de cette apothéose après de longues années qui n'ont contribué qu'à la dégradation continue de ce monument.